En cours de restauration, le phare de Cordouan rouvre au public
Afin de conserver le lieu en état, une vaste campagne de rénovation a été engagée depuis 2013 et devrait se poursuivre jusqu’en 2021, pour un chantier estimé à 5,6 millions d'euros HT.
Cette facture est partagée pour moitié entre les collectivités locales et l'État. La Région Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes (ALPC) et les deux départements de la Gironde et de la Charente-Maritime assument chacun un tiers de la quote-part des collectivités locales. Au niveau de l'État, le ministère de l’Écologie, de l’Énergie et de la Mer en supporte un tiers et le ministère de la Culture et de la Communication deux tiers.
« Tous ces travaux visent à assurer la meilleure conservation au monument, améliorer sa lisibilité et respecter son historicité », précise le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde, qui gère le phare depuis 2010.
En 2015, l'étanchéité de la toiture du bâtiment annulaire, entourant le phare, a été entièrement revue. Les boiseries de l'appartement de l'ingénieur, la porte à marée, ainsi que l'ossature de la lanterne ont également été restaurées.
Actuellement, les artisans s'attaquent à la restauration extérieure de la partie basse du fût Renaissance (faces Sud et Est), un chantier qui se poursuivra par la restauration des faces Ouest et Nord jusqu'en 2019.
Un travail chirurgical
La pierre de Corduan présente en effet toutes les pathologies qui peuvent apparaître sur des maçonneries en pierre de taille calcaire très exposées aux intempéries : forte érosion, joints creux favorisant les infiltrations, cassures...
« Nous intervenons sur les parties les plus malades en tenant compte de l’état général pour un niveau de rendu homogène, explique Franck Lamendin, assistant de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques, chargé de la supervision du chantier. C’est toujours très chirurgical, pour conserver au maximum les éléments anciens. Les choix de remplacement de pierre ont été précédés d’une analyse de parements déposés pour proposer des pierres aux mêmes caractéristiques physico-chimiques. Il s’agit de ne pas apporter de pierre étrangère, puisqu’on sait que les pierres se marient assez mal lorsqu’elles n’ont pas les mêmes caractéristiques »,
© Franck Lamendin
Dès que l’échafaudage est en place, les artisans réalisent un «pré-calepin», un état des lieux des pierres. La taille de pierre est effectuée une première fois à terre, en atelier. Les ajustements sont ensuite réalisés sur place, dans une loge de taille installée au pied de l’échafaudage, relativement à l’abri des intempéries.
Charge ensuite aux maçons de placer et jointer chaque pierre au mortier de chaux. Une fois que les pierres sont remplacées, elles sont traitées, et une patine est appliquée pour un rendu final homogène.
Des sculptures réalisées d'après une maquette
Les formes des sculptures et ornements - chapiteaux corinthiens, sculptures – qui disparaissent petit à petit sous l'action du sel, sont traitées de façon plus délicate encore.
Les sculpteurs de l'atelier de sculpture de Daniel Esmoingt effectuent des maquettes en argile, à partir des éléments restants des sculptures (chapiteaux, figures, mascarons...) et des photographies anciennes. Une fois que l’architecte valide cette maquette, le sculpteur peut travailler la pierre. Sur la dernière campagne, environ quatre semaines ont été entièrement consacrées à ce travail minutieux.
Plus généralement, le chantier difficile d'accès a demandé beaucoup d'organisation, tant au niveau des équipes parfois difficilement relayables sur place en cas de mauvais temps, que de l'acheminement des équipements et matériaux.
« C’est un chantier exceptionnel, avant tout parce que le lieu est très beau. Mais surtout du point de vue logistique. L’approvisionnement nous a demandé un mois de préparation en amont : lister ce dont nous aurions besoin et prévoir la palettisation pour correspondre aux limites de charge des hélicoptères » témoigne Bruno Savin, tailleur de pierre. Certains matériaux ont été également acheminés par bateau.
Les entreprises et les artisans (tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs, ébénistes) ont été sélectionnés sur appel d’offres pour deux années de chantier consécutives. La dernière tranche de travaux (2019-2021) permettra de restaurer la chapelle et le vestibule du fût.
Cependant, le lieu est déjà rouvert depuis ce samedi 9 avril et espère attirer comme à son habitude quelques 20 000 curieux et passionnés à l'année.
Des chiffres de fréquentation qui pourraient gonfler si le bâtiment est inscrit au Patrimoine Mondial de l’humanité. La Direction des affaires culturelles de la région ALPC a lancé une candidature en ce sens en 2015, qui pourrait aboutir à une inscription en 2019.
Claire Thibault
© Phare de Cordouan - Asa photos SMIDDEST