ConnexionS'abonner
Fermer

Voyage au pays des matériaux

Publié le 07 octobre 2002

Partager : 

En quoi c'est fait une ville ? La question peut paraître insolite. Pourtant, quand on lit l'ouvrage de Bernard Marrey, on s'aperçoit que l'histoire des matériaux vaut bien la grande Histoire. Parcours et destin d'une grande ville (Paris) à travers ses matériaux
Voyage au pays des matériaux - Batiweb
En quoi c'est fait une ville ? La question peut paraître insolite. Pourtant, quand on lit l'ouvrage de Bernard Marrey, on s'aperçoit que l'histoire des matériaux vaut bien la grande Histoire. Parcours et destin d'une grande ville (Paris) à travers ses matériaux Un paysage urbain, c'est d'abord une pierre, quelle qu'elle soit. Et comme le note Bernard Marrey, dans son livre étonnant : Matériaux de Paris, Beaubourg reste et demeure, aux yeux des Parisiens, une "usine à gaz". À cela, une raison simple, c'est qu'inconsciemment nous avons de la ville une vision culturelle. Certes, les matériaux ont évolué et s'il est aujourd'hui possible de faire beau avec le béton, il n'en reste pas moins vrai que les citadins, les Parisiens en particulier, restent attachés à cette belle pierre qu'on associera toujours à l'immeuble bourgeois de type haussmannien. Modernité aidant, ce n'est pas sans déraison que l'auteur, dans cette étonnante histoire des matériaux de Paris, fustige ce goût venu d'ailleurs de l'emploi excessif du verre. La façade en verre fait souvent office de cache-misère et dissimule fréquemment une grande pauvreté architecturale.

Nos ancêtres avaient bon goût
Si nos ancêtres avaient bon goût, ils le doivent d'abord à la qualité des matériaux qu'ils ont trouvé sur place. Lutèce bénéficiait non seulement des matériaux déposés par les eaux mais encore d'une concentration de moyens de communication. Les trois pierres nécessaires à la construction y sont présentes : le calcaire grossier pour bâtir les maisons et les monuments, l'argile plastique pour fabriquer les tuiles et les briques, le gypse pour faire du plâtre. C'est ainsi que des siècles durant, Paris demeura un vaste chantier. L'exploitation des carrières se pratiqua au fur et à mesure des besoins, sans méthode, sans plan ni relevé. Quand une carrière était épuisée, on en ouvrait une autre. D'où de nombreux accidents, comme en 1774, où l'avenue Denfert-Rochereau s'effondra sur plus de trois cents mètres. Vint aussi le temps des modes, avec François Ier par exemple qui ramena d'Italie ce goût de la brique adopté dans les bâtiments princiers. Cette mode ne dura pas. C'est Napoléon Bonaparte qui introduisit la mode du fer en 1802. Il exigea même un pont en fer devant le Louvre. L'expérience fut jugée sévèrement, cela faisait trop anglais. Mais il ne disparut pas du paysage et revint avec l'art nouveau, à la fin du XIXe siècle. Comme le disait Franz Jourdain : "Le fer, ce n'est tout de même pas la vérole". Curieusement, les Parisiens n'aiment guère les bâtiments bariolés comme en Italie où l'on mélange avec bonheur les matériaux quand ce ne sont pas les façades elles-mêmes qui sont peintes (Venise par exemple). La couleur de Paris, c'est le gris bleu, comme ces nuages qu'aimait tant Baudelaire. Il n'empêche, Paris reste et demeure une ville où se mêlent harmonieusement le bois, la pierre, le plâtre, la brique, la céramique, la fonte et le verre. Voici qui donne à la ville son âme et son lustre. Mais pour combien de temps encore, interroge Bernard Marrey ?

Bernard Marrey, Matériaux de Paris, Editions Parigramme, 160 pages, 39 euros.

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.