Un cœur tout neuf pour Paris
Un malheureux folklore auquel le maire de la capitale, Bertrand Delanoë, a finalement décidé de mettre un terme en se lançant dans l’une de ces rénovations géantes dont la capitale a le secret. Les quatre projets actuellement retenus sont néanmoins difficiles à départager. L’enjeu réside en effet dans la délicate création d’un urbanisme très actuel présentant néanmoins quelques garanties en matière de pérennité. Une difficile équation qui régulièrement obsède tous les urbanistes du monde. De l’ultra modernisme coloré au nouveau classicisme en passant par l’offensive verte, tous les goûts sont aujourd’hui présentés dans les propositions des architectes.
Le premier des quatre projets en compétition, et peut-être le plus novateur, est celui du hollandais Rem Koolhaas. Ici, des derricks de verre, sorte d’«émergences», relient la partie souterraine du Forum au jardin en surface. Encrés à différents niveaux du sous-sol, ces doigts de verre ouvrent des puits de lumière naturelle. Au centre des Halles, un «grand Canyon», nouvel accès au Forum et à la gare RER, occupe la place de l’actuelle voie souterraine. En surface le jardin, ouvert sur le quartier, dessine des grands cercles correspondants à différentes thématiques.
Presque à l’opposé de cette proposition, le projet du maître à penser Jean Nouvel est résolument vert. Ses Halles comprennent pas moins de sept hectares repartis en trois jardins distincts. Le premier s’étend au niveau du sol, ouvert sur l’église Saint Eustache, il est planté d’essences des forêts de Fontainebleau, de Compiègne et de Rambouillet. Le deuxième est un balcon à mi-hauteur le long de la Rue Berger, sorte de succession de jardins thématiques. Le troisième jardin, plus spectaculaire, culmine à 27m de hauteur, sur le toit du Carreau des halles. Un côté de ce radeau de verdure sera occupé par une époustouflante piscine à ciel ouvert. Sous le toit du Carreau, une vaste halle offre une continuité entre le dessus et le dessous, avec un plafond miroir réfléchissant permettent à chacun d’avoir un aperçu du sommet de la tête des ses voisins.. Dans l’axe de la Rue Turbigo, au voisinage de l’église Saint Eustache, un conservatoire de musique à l’architecture de bois très dessinée, et aux vitraux semblables à ceux de l’église viendrait occuper l’espace.
L’architecte néerlandais Winy Maas a pour sa part imaginé une immense cathédrale souterraine coiffée d’un toit-plancher de verre translucide, gigantesque vitrail faisant office de jardin «vert et en verre». Les plantations, comme en état d’apesanteur, flottent dans leurs alvéoles traversant le plafond de verre. L’immense dalle-jardin, traversée de voies piétonnières sous verrière est divisée en espaces thématiques, avec des bois, un labyrinthe, un jardin d’enfants, des jeux de boule, un skate parc ... Le tout recouvre une immense cathédrale souterraine. L’actuel forum devient un hall majestueux et la gare RER une nef de 35 m de haut, le tout relié par des escalators et des passerelles suspendues. Au final, on aura depuis l’extérieur l’impression de regarder une immense mosaïque de verre, curieusement plantée d’arbres.
Enfin, le projet de David Mangin est presque minimaliste comparé aux précédents. Le but ici est d’inscrire les Halles dans la continuité du Palais-Royal, de Beaubourg et des Tuileries. Depuis le palais Brongniart (la bourse), reconvertie en centre de la mode et du design, se dégage un axe central de 22 m de large avec, côté Saint Eustache, pelouses et salons de verdure et, côté Rue Berger, de longues promenades plantées bordées de kiosques. Tout au bout, au-dessus du Forum, un vaste toit carré en cuivre et verre protège l’accès à la place basse, nouveau cœur d’un forum visible depuis la surface. Deux niveaux plus bas, la salle d’échanges du RER s’ouvre en balcon sur les quais et reçoit la lumière naturelle. Il s’agit sûrement du projet le plus discret.
Désormais, il ne reste plus beaucoup de temps à la mairie de Paris pour rendre sa décision. Le rendez-vous pour connaître lequel de ces quatre projets verra effectivement le jour est donné en juin. Ce qui est déjà sûr, c’est que comme le précédent, ce chantier fera pendant des années couler beaucoup de salive et surtout déjà beaucoup d’encre…