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St Nazaire ou quand un Ecossais utopique donne naissance à un chantier mondial

Publié le 04 juin 2002

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Il est des villes dont l’actuelle dimension industrielle fait oublier qu’elles sont nées du néant à la faveur d’une rencontre avec un homme d’exception. Saint Nazaire et ses célèbres chantiers font partie de celles-ci
St Nazaire ou quand un Ecossais utopique donne naissance à un chantier mondial  - Batiweb
À l’entrée de l’estuaire majestueux de la Loire, le petit village de Saint Nazaire ne vivait, à la fin du XVIIéme siècle, que des revenus de ses modestes pêcheurs. Au cœur d’une terre trop pauvre pour les agriculteurs, les habitants de ces quelques maisons cernées de marécages, regardaient au loin les magnifiques voiliers de la Royale fendre les flots en remontant vers Nantes. Entre le vent du large et les cris des mouettes, nul avenir radieux ne se dessinait pour les occupants de ce bout de lande un peu oublié du continent. Les choses auraient ainsi pu durer fort longtemps si justement, en 1861, l’Ecossais John Scott n’avait pas deviné que cet emplacement pouvait devenir le terrain idéal d’un chantier naval.

Un développement incessant
Cet Ecossais visionnaire, associé pour la circonstance à deux Français, les frères Peirère, devait ainsi poser les premières pierres d’un chantier de constructions maritimes. La vision était juste. Vingt ans plus tard, après quelques vicissitudes de naissance, son entreprise occupe tout le nord de l’estuaire. Le XiXe siècle marque pour le chantier encore nommé Penhoët, l’entrée dans l’ère industrielle. Son développement est incessant pendant plus d’un siècle. Des quatre mats de bois de la pêche hauturière aux coques d’acier des grands navires de guerre tous viendront naître à Saint Nazaire. Les architectes adaptent et innovent en permanence les cales pour modeler le site aux eaux si peu profondes aux nécessités des grands carénages. C’est pourtant en 1955, grâce à un ingénieur ambitieux, Albert Caquot, que le véritable grand virage du XXe siècle va être pris. Sous l’impulsion de l’Etat, l’ingénieur va donner une autre dimension au chantier rebaptisé alors " Chantier de l’Atlantique ".

Naissance du plus grand chantier naval du monde
Sans Caquot, les chantiers auraient aujourd’hui rejoint le rayon des rêves passés de l’industrie. Deux problèmes majeurs se posent. Le premier est celui des surfaces de construction. L’ingénieur fait alors bâtir une forme entièrement bétonnée capable de recevoir simultanément la construction et la finition de huit grands navires. Pendant des mois, des milliers d’ouvriers venus de toute l’Europe vont creuser et couler des millions de m3 de béton. Saint Nazaire est ainsi doté de la plus grande plate-forme de construction du monde. Autre difficulté, pouvoir lever et déplacer des sous-ensembles en acier de plusieurs centaines de tonnes. Albert Caquot reprend sa règle à calcul et imagine une grue géante. Une grue que les constructeurs français ne construiront pas car ils la jugent irréalisable. Celle-ci sera construite en Hollande et assemblée sur le chantier. L’engin est pharaonique. À 66 mètres au-dessus du sol, sa flèche de 104 mètres de longueur pouvait déplacer des constructions de 240 tonnes et de 43 mètres de haut. Un record absolu jamais égalé pour ce type d’engin. Grâce à lui, les ouvriers abandonnèrent la vielle technique du rivetage au profit de la soudure. La grue Gusto, véritable exploit technique, sera malgré le combat homérique de ses défenseurs, détruite en 1996, les monuments historiques ayant refusé de la classer. Elle figurerait aujourd’hui au patrimoine mondial de l’humanité.

Fragile réussite
Enfin, pour permettre une mise à l’eau sans rampe d’accès, l’ingénieur fit construire une usine de pompage capable en quelques heures de remplir plusieurs gigantesques bassins. La période d’euphorie fut cependant assez courte. Terrains de luttes sociales et politiques dévastatrices, victimes des progrès de l’aviation, concurrencés par l’apprêté des asiatiques, les chantiers de l’Atlantique ont bien failli disparaître. Il fallut attendre les années 90 pour que les Français, enfin conscients de la potentialité de leur savoir faire en matière de construction navale reviennent, grâce au marché montant de la croisière, dans le club fermé des grands constructeurs. Aujourd’hui, si les vestiges de l’ère Caquot sont encore visibles, la ville semble avoir oublié que son destin est née de l’intuition géniale d’un entrepreneur Ecossais.

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