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Roissy - Le risque du défi

Publié le 26 mai 2004

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Alors que les décombres du toit du terminal 2 de l'aéroport de Roissy encombrent encore le sol, la recherche de la responsabilité occupe déjà tous les esprits. Pourtant, chacun oubli que les performances techniques comme la course à l'économie et aux délais, se paient quelques fois chèrement. En dépit de tous les calculs et toutes les précautions, le risque zéro reste, dans le BTP comme ailleurs, une belle utopie...
Roissy  - Le risque du défi - Batiweb
La chasse au bouc émissaire va peut-être encore une fois, à l'occasion de l'accident de Roissy, faire de nouvelles victimes. Alors qu'on en est encore au stade de simples hypothèses, des voix s'élèvent déjà promptement pour montrer du doigt l'architecte Paul Andreu. C'est aller un peu vite en besogne avec un homme dont les compétences et le soucis de la sécurité n'ont jamais été pris en défaut, dans une carrière où l'on ne compte plus les réalisations d'envergures. Avant même cette tragédie, et s'exprimant sur ses réalisations, Paul Andreu disait : "Faire un aéroport, c'est, au delà des questions fonctionnelles, rencontrer beaucoup des problèmes de la modernité et, parce qu'il est impossible d'échapper à leur difficulté par des réponses toutes faites, trop rapides ou trop complaisantes, prendre l'habitude de les reconnaître dans tous les projets et de les affronter"

C'est aussi oublier un peu vite la vaste chaîne des acteurs d'un tel chantier et les centaines de paramètres qui interviennent dans la naissance de l'ouvrage. Au premier chef de ceux-ci vient le défi lancé à la matière et aux techniques, au plus grand bénéfice de nos sociétés avancées.

Certes, si Roissy avait été à l'image du vénérable aéroport d'Orly, cet accident n'aurait sans doute pas eu lieu. Dans ce cas ADP, le concepteur et maître d'œuvre de l'ouvrage, aurait été, pour le compte, soumis à une pluie de critiques de bien d'autre nature.
Il serait certes incongru de mettre sur l'unique compte du progrès le prix de cet accident mais cet aspect des choses est une réalité dont les dossiers d'instruction ne tiennent pas compte.

La catastrophe du barrage de Fréjus n'a heureusement pas empêché la naissance d'autres ouvrages comme le magnifique barrage de Tignes. De même, l'accident (quasi ignoré car dénué de victime) du tunnel de Toulon où en 1991, 73 des 116 prévoutes s'étaient avérées non conformes, laissant après l'effondrement un gigantesque trou en surface, n'a pas freiner la naissance de nouvelles réalisations dont la modernité sera un jour un réel sujet de fierté collective, comme c'est le cas entre Lyon et Turin, au Somport ou sous l'A86, .

En revanche, il faut un accident pour qu'apparaissent au grand jour les multiples pressions auxquelles les professionnels et les industriels sont soumis. Pressions de délais et de prix qui viennent sans cesse en butée face à une demande technologique toujours plus performante. Les architectes vivent au quotidien dans cette contradiction. Elle se révèle dans le cas du terminal F de Roissy ou les magistrats de la Cour des comptes n'avaient pas manqué d'épingler ADP pour ses excès en matière de conception architecturale. Les travaux du hall F étaient alors bien entamés et les magistrats se faisaient les chantres d'une réduction des coûts et des ambitions. S'il faut aujourd'hui tout raser pour tout recommencer, l'affaire n'aura pas été judicieuse.

Mais qu'à cela ne tienne, l'essentiel n'est-il pas aujourd'hui de trouver un coupable, au risque de tuer l'audace et à terme de passer à la trappe le moteur de tous les progrès qu'on appelle le défi…

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