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Revue de presse du Monde : La 9e Biennale de l'architecture à Venise

Publié le 27 octobre 2004

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Dans les Giardini de Venise et dans les longs et si beaux bâtiments de la corderie à l'Arsenal, les étudiants venus de toutes les écoles d'art et d'architecture d'Italie se pressent en rangs serrés, appareils de photo digitaux à la main, prenant des notes. Avec 170 bureaux d'architectes représentés et des centaines de projets, la Biennale d'architecture de Venise est l'occasion, tous les deux ans, de sentir le pouls de l'architecture et de voir les chemins nouveaux qu'elle explore. Pour "La Libre Belgique", la création, grâce à l'ordinateur, est devenue exubérante... Reportage en utopie.
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[...] Pour Kurt Forster, le commissaire suisse de cette neuvième édition, «peu de gens se rendent vraiment compte que nous vivons une ère de grands changements, de fortes mutations dans toutes les disciplines et en particulier, dans l'architecture où le mouvement est si profond et si large qu'on peut parler de l'avènement d'une nouvelle ère». C'est pourquoi, il a intitulé cette Biennale «Metamorph» pour métamorphose.

Architectures organiques

Le grand pavillon italien des Giardini et l'Arsenal sont particulièrement exemplaires en montrant des dizaines de projets contemporains avec des architectures devenues organiques, mimant les cellules ou les ruches d'abeilles, ou des architectures de science-fiction ou encore pleine de poésie étrange, se cachant sous terre ou enduites de poils telle un animal vivant. Peter Eisenman, l'architecte américain de 72 ans a reçu légitimement le lion d'or 2004. Il est omniprésent dans cette Biennale avec, entre autres son projet en cours de réalisation d'une Cité de la culture à Saint-Jacques de Compostelle, creusées sous une colline d'oliviers, où les bâtiments et le site se marient de manière audacieuse et originale. Peter Eisenman est aussi l'auteur d'un projet, à Berlin, de deux buildings accouplés, des tours qui se tordent comme dans une bande de Moebius et se rejoignent par le sommet comme par leurs bases souterraines.

Gruyère troué

La figure de Frank Gehry était, bien entendu inévitable. L'architecte du Guggenheim de Bilbao expose son «Concert hall Walt Disney» de Los Angeles, tout en courbes folles. Ce bâtiment ponctue une belle section de la Biennale consacrée aux salles de concerts. Au moment où on fête en Belgique les 75 ans de la salle Henri Le Boeuf au Palais des Beaux-arts, merveille d'Horta, il est passionnant de voir que le concept de salle de concerts excite toujours l'imagination des plus grands architectes.

Toyo Ito avait préparé pour Gand, un étonnant bâtiment ressemblant à un bloc de gruyère troué. Zaha Hadid, riche de ses architectures mathématiques audacieuses, prépare une salle de concerts pour Guangzhu au bord de la rivière des perles en Chine. Le bureau Plot, a conçu pour la ville de Stavanger, en Norvège, une salle de concert dont la façade n'est qu'un gigantesque gradin sur lequel les gens peuvent se balader. Les spécialistes des architectures non-standards comme Nox et Xefirotarch proposent des salles pour un projet hollandais mais aussi pour Pusan, en Corée, des salles qui sont devenues totalement organiques et vivantes, comme des aliens descendus d'une planète lointaine.

Les formes compliquées et arachnéennes fusionnent ou se dispersent en fils ou voiles colorés. Dominique Perrault a gagné le concours pour la rénovation du théâtre Marinsky à St-Petersbourg, avec ce qui ressemble à un gigantesque cocon de fourmi, transparent et jaune, posé au milieu de la ville. Daniel Libeskind pour le théâtre de Dublin a imaginé une architecture de verre avec des angles aigus en porte-à-faux et des intérieurs qui se mêlent à l'extérieur. Plus classique, on retrouve les carapaces de gros coléoptères imaginées par Renzo Piano pour le nouveau parc de la musique à Rome.

Le prix des Belges

Les architectes (il est curieux qu'il n'y ait pas de trace de Rem Koolhaas) sont tout aussi imaginatifs pour présenter leurs travaux: maquettes en mousse ou en bronze, sculptures de bois ou de verre bleuté. Parcourir la corderie c'est pouvoir s'émerveiller de l'imagination des architectes comme de la beauté des maquettes. La photo est présente à la Biennale car elle est devenue de plus en plus, l'auxiliaire de l'architecte. De magnifiques photos (Thomas Ruff, Andreas Gurski...) montrent ainsi les interventions, microscopiques parfois, de l'homme dans le paysage.La liberté des architectes suit avec plusieurs décennies de retard celle des physiciens. L'idée d'espaces courbes imaginée déjà par Einstein et Minkowski arrive dans les créations architecturales. Les bâtiments sont conçus comme des organismes vivants plus que comme des objets fixes. Bien sûr, l'ordinateur a donné une puissance toute neuve aux architectes. «Nous commençons à entrevoir, poursuit Kurt Forster, un futur proche où il sera possible de contrôler tous les aspects conceptuels et toutes les phases d'exécution avec un seul outil: l'ordinateur. Mais je ne crois pas que cela résultera en une architecture générée par ordinateur. Non, celui-ci peut juste déclencher le potentiel de nos imaginations pour construire au-delà de ce qui est tacitement accepté et fréquemment idéologiquement justifié».

Mais l'homme dans tout cela, derrière ce formalisme débridé? Le pavillon belge vient très justement rappeler qu'il est au coeur de l'architecture, en présentant un projet radical sur Kinshasa, sans maquettes ni plans, avec juste, les habitants de la ville, photographiés par Marie-Françoise Plissart. La Belgique, comme on le sait, a reçu, pour cela, le lion d'or du meilleur pavillon de la Biennale. Pointons aussi le jouissif pavillon japonais, rempli de figures de mangas: dessins et jouets. Un émerveillement enfantin pour souligner l'emprise de ces images fantasmées sur notre environnement. [...]

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