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Restauration d’un grand ouvrage : Le pont Alexandre III

Publié le 25 octobre 2004

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Construit à l’occasion de l’Exposition de 1900, le Pont Alexandre III est l’un des 36 ouvrages que nous offre Paris pour traverser la Seine. Sa conception fût confiée à deux ingénieurs et sa décoration à deux architectes. Réalisées en acier, les infrastructures et les superstructures de cet ouvrage sont régulièrement entretenues, mais ce n’est qu’en 1998 que les ornements des deux arcs amont et aval ont fait l’objet d’une restauration complète. Compte-rendu d'une belle réussite...
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Le Pont en 1900 :

La première pierre du Pont Alexandre III fut posée par le tsar Nicolas 2, le 7 octobre 1896 et sa construction dura deux ans. Long de 110 mètres et large de 40, il présente une flèche de 6,30 mètres. Et, innovation majeure à l’époque, un surbaissement de 1/17, assuré par une double flexibilité mécanique en chacune de ses deux extrémités.

Structure en acier moulé : La structure porteuse du Pont Alexandre III est composée de 15 arcs, formés chacun de 16 voussoirs en acier moulé, assemblés par boulonnerie. La super structure, en acier laminé, est constituée de poteaux reliés par des poutres treillis supportant le tablier. Enfin, les voussoirs et les super structures des arcs amont et aval sont habillés par des éléments en fonte décorée.

    • Les voussoirs : La fabrication des voussoirs fut répartie entre six entreprises, chacune possédant alors sa propre technique de moulage. Cinq se partagèrent la construction des arcs, après contrôle et vérification de l’assemblage en usine. Au moment de la pose, un pont roulant et une passerelle provisoire furent mis en place, afin de ne pas risquer d’interrompre l’intense navigation qu’il y avait à l’époque sur la Seine.
      • Caractéristiques des aciers : Les aciers utilisés pour l’édification de l’ouvrage devaient présenter des caractéristiques spécifiques, tant pour les structures que pour les infra structures et les pièces d’assemblage. Deux points particuliers concernaient notamment le cahier des charges des voussoirs : Leurs caractéristiques mécaniques, que l’on devait pouvoir contrôler sur des barrette témoins, coulées avec les voussoirs ainsi que l’état de surface des faces en contact, qui devait permettre un assemblage aussi précis que possible
    • Habillages et décorations : L’habillage des super structures en acier des deux arcs amont et aval est constitué d’environ 1400 pièces en fonte décorée, pesant chacune entre 500 et 800 kilogrammes. Quant au tablier du pont, sa décoration a été confiée à des sculpteurs réputés et sa réalisation, à des artisans, créateurs d’œuvres en laiton, en bronze et aussi en cuivre repoussé doré à la feuille.

Le pont en 1998

Avant restauration, les parties ornementales de l’ouvrage ont fait l’objet d’une importante étude préalable placée sous la direction de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques et conjointement menée par la Ville de Paris et le Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques.

Cette étude avait deux objectifs : Recenser les matériaux métalliques et estimer leur état de santé puis définir et mettre en place un protocole de traitements de surface de restauration .

  • Désordres de corrosion : D’importants désordres de corrosion ont été constatés, dont les causes sont le plus souvent imputables :
    • à un couplage galvanique entre les décors en cuivre et l’acier des super structures
    • à une aération différentielle au voisinage des joints de dilatation
    • à une combinaison entre couplage galvanique et aération différentielle, principalement observées dans les zones de contact entre les voussoirs et la fonte

Etude technique préalable

L’étude technique préalable a été réalisée dans un atelier spécialisé, après démontage des pièces d’une même travée. Elle a permis de procéder à des tests de décapage, afin d’éliminer les fonds anciens et les sous-produits de corrosion.

Compte tenu des contraintes d’application, tant techniques qu’environnementales, les solutions envisagées excluaient d’emblé les décapages chimiques au seul profit des procédés mécaniques ou physiques.

  • Tests de décapages : Les essais de décapage ont été pratiqués en atelier, après démontage des pièces d’une même travée. Cinq techniques de décapage ont été testées sur l’ensemble des matériaux métalliques recensés :
    • décapage au jet d’eau sous très haute pression décapage par projection de billes de glace décapage par projection d’abrasif sec ou humide enfin, décapage sous faisceau laser
    • La solution adoptée fut le décapage par projection à sec d’abrasif minéral.
      • Abrasif minéral : L’abrasif utilisé est le « Rugos2000 », un composé minéral à base de silicate d’aluminium, élaboré par fusion avant concassage et broyage en fines particules calibrées, réparties en 3 grandes familles. Ces particules sont tranchantes. Elles sont dépourvues de métaux lourds et leur dureté est comprise entre 6 et 7 dans l’échelle comparative de Moh. Leur aspect rappelle celui du verre et leur couleur varie du topaze au brun.

Protection anti-corrosion

Un des enjeux de cette étude était de préconiser un système de peinture anticorrosion, choisi en fonction de quatre critères : sa durabilité, homologuée ACQPA (*) son esthétique sa parfaite compatibilité tant avec la dorure qu’avec les résines de restauration enfin, contrainte essentielle pour le projet : son adaptation aux conditions de séchage et aux capacités de traitement et de stockage de l’atelier

(*Association pour la Certification et la Qualification en Peinture Anticorrosion)

Les travaux de restauration

La seconde phase de restauration s’est déroulée en trois étapes :

  • Démontage des ornements en fonte décorant les voussoirs et les super structures des arcs amont et aval du Pont
  • Ensuite, purge, ou bien restauration et traitements de surface des pièces d’assemblage de la structure et de la super structure des arcs
  • Enfin, remontage, retouches et finitions sur site des ornements restaurés en atelier

Les travaux de restauration des arcs amont et aval ont été exécutés par une grande société de Constructions métalliques, associée à une entreprise d’échafaudage ainsi qu’à une petite entreprise spécialisée. La première phase de ces travaux consista à concevoir et à mettre en place un échafaudage ayant nécessité l’emploi de 20 tonnes de profilés en acier, sans compter le bardage ni la couverture en tôles d’acier pré-laqué.

La seconde phase de restauration

Méthodologie : Chaque pièce d’ornement fut repérée, identifiée, puis transportée en atelier pour traitement et réparation éventuelle. La gamme des traitements appliqués comportait quatre séquences : 2 séquences de décapage, complétées par une finition manuelle un dépoussiérage puis l’application d’une peinture d’accrochage faisant office de protection temporaire

    • Réparation : La protection complète de la partie visible des ornements en fonte a été achevée sur site, après remontage des pièces. La reprise des dégradations et des blessures éventuellement causées lors de cette opération a donné lieu à l’application d’une première couche anticorrosion, à base d’une formule époxy. Après séchage, la protection a été renforcée par application d’une seconde couche époxy, sur laquelle a été appliquée une couche de finition à base d’une formule polyuréthane
      • Parties internes
        • Les parties internes des pièces, inaccessibles après remontage mais aussi moins exposées aux intempéries, recevaient alors en atelier le système complet de protection anticorrosion. Ce système, agréé ACQPA, est composé d’un primaire d’accrochage à base d’époxy et de deux couches anticorrosion.
        • La première couche anticorrosion est un revêtement de type époxy et la seconde, une finition de type polyuréthane.
      • Collage :
        • La corrosion des ornements en fonte s’est souvent soldée par des fissures ou des ruptures, localisées dans des zones de rétention d’eau. Les réparations ont été faites par collage des parties rompues au moyen d’un adhésif structural de type époxy. Dans certains cas, il a fallu procéder à des recharges à l’aide d’un produit similaire, enrichi en particules métalliques judicieusement dosées, et cela pour pallier les risques de couplage galvanique ultérieurs

         

Décoration : 1,8 kilogramme d’or en feuilles titrant 980/1000 ont été nécessaires pour décorer les ornements en fonte. La pose de ces feuilles, extrêmement fines, relève du travail d’orfèvre, car elle nécessite en effet l’application localisée d’un revêtement supplémentaire servant de base d’accrochage à une préparation sur laquelle on applique délicatement les feuilles, qui sont ensuite matées à la gélatine.

    • Analyses chimiques : Pour rétablir la couleur d’origine des structures et des fontes, il a fallu analyser plus de 150 écailles de peinture, prélevées sur l’ensemble de l’ouvrage. Les analyses ont permis de préciser deux points :
      • d’une part, au moment de l’inauguration, que celui-ci était d’une teinte claire et qu’il a, depuis, fait l’objet de cinq campagnes d’entretien.
      • d’autre part, d’identifier le gris comme couleur d’origine
    • Couleur et teinte d'origine : De semblables investigations ont été conduites sur les pièces de décoration et en particulier, comme ici, sur des pièces dorées à la feuille. Cette coupe micrographique d’une écaille de prélèvement révèle ainsi l’existence de cinq couches de feuilles d’or, d’épaisseurs différentes. Et l’on observera que c’est la première d’entre-elles qui présente en réalité l’épaisseur la plus faible.

État général de santé du Pont

D’une manière générale, l’état de santé des super structures de cet ouvrage métallique centenaire s’est révélé satisfaisant, puisque seulement 10 tonnes d’acier furent nécessaires pour changer les éléments défectueux. Enfin, furent également remplacés des éléments d’assemblage corrodés, tels que des goupilles de liaison ou, comme on le voit ici, des pièces de boulonnerie par exemple.

Application du système anti-corrosion

Afin de pallier les condensations intempestives et les risques d’oxydation du substrat, sur site, la première couche de peinture d’accrochage a été appliquée immédiatement après décapage par projection, tant sur les voussoirs que sur les super structures. Cette opération, complétée par deux couches de finitions, a été exécutée par tranches, sous le contrôle d’un organisme agréé, et lorsque les conditions atmosphériques de température et d’hygrométrie étaient favorables.

Deux tranches de travaux

Les traitements de surface tels qu’ils ont été conçus et réalisés dans le cadre de la restauration du Pont Alexandre III ont été exécutés en deux phases de huit mois de durée chacune. L’arc amont a été restauré avant l’arc aval et les travaux ont été conduits, sans interruption de trafic, tant fluvial que routier.

Entretien général de l´ouvrage

Pour terminer, cette vue, prise depuis la rive droite de la Seine, illustre en détail le résultat des traitements de surface, réalisés deux ans auparavant sur les structures et les super structures internes du Pont Alexandre III, dans le cadre d’une campagne d’entretien. C’est-à-dire sur les 13 arcs internes dépourvus d’ornements en fonte, qui ont été décapés par projection d’abrasif, puis revêtus d’un système agréé de peinture anti corrosion.

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