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Quelles solutions architecturales pour bien vieillir chez soi ?

Publié le 19 décembre 2023

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Dans le contexte démographique que connaît l’Occident, vieillir chez soi est non seulement un souhait, mais aussi un enjeu de société dans lequel l’aménagement du territoire, l’urbanisme tactique, les politiques sociales et les multiples acteurs et professionnels comme les architectes, jouent un rôle majeur. L’architecture pour les personnes âgées est-elle une architecture caractéristique ? Quelles propositions pour un meilleur vivre ensemble ? Vieillir chez soi peut-il être compatible avec les diverses prérogatives de la ville d’aujourd’hui ? Nous avons sollicité plusieurs architectes pour répondre à nos questions.
Quelles solutions architecturales pour bien vieillir chez soi ? - Batiweb

De l’utilité de l’espace public adapté


Tout le monde est d’accord pour affirmer que la ville telle qu’elle est aujourd’hui, n’est pas adaptée aux personnes âgées. En effet, la santé et l’autonomie des séniors dépendent en partie de leur mobilité piétonne et des divers espaces publics aménagés. La marche étant la plupart des fois le seul exercice physique pratiqué par les personnes qui avancent dans l’âge, la ville devrait garantir un bon nombre de solutions qui facilitent la vie de ces derniers. Que ce soit concernant l’installation des revêtements lisses et non glissants des sols, l’aménagement des trottoirs, l’implantation des bancs publics, les cheminements sans obstacles. Bref, tout ce qui peut offrir une fluidité dans les déplacements sans risques de heurts et garantir des temps de repos pour les personnes fragiles. Paul Rolland, l’un des deux gérants de l’agence 2PM A, établie à Bordeaux, souligne que les problématiques rencontrées par les personnes âgées aujourd’hui dans la ville ne sont pas forcément propres à elles mais qu’il s’agit de difficultés que rencontrent chaque piéton dans la ville. Selon l’architecte, « il faut façonner une ville plus inclusive pour les humains ». Concernant les personnes âgées, d’une manière générale, l’un des éléments les plus importants à prendre en considération, c’est la sociabilisation. « Il est primordial que les personnes âgées puissent voir d’autres gens, car il est aussi important pour une personne âgée de se faire aider que d’être entourée », ajoute le gérant de 2PM A. 


Les choses changent


L’architecte Marie-Jeanne Jouveau, fondatrice de Capla Architecture, souligne : « On constate un phénomène en urbanisme, c’est la modification du parcours de vie des habitants, notamment des séniors. Il y a dix ans, lorsque l’on évoquait la construction d’habitat sénior ou intergénérationnel, dans les centre-bourgs, les élus étaient très réticents, l’idée de vieillir dans sa maison était encore bien présente. Pourtant, les choses ont changé. Des résidences séniors, dans les bourgs ruraux connaissent un certain succès (comme une opération d’une dizaine de logements mitoyens, avec un petit jardin, dans un bourg rural). On constate, sur certains territoires, l’arrivée de jeunes retraités qui s’installent et donc qui quittent leur précédent logement pour s’implanter sur un nouveau territoire pour leur retraite. On recherche davantage en vieillissant un logement adapté à ses besoins et plus petit ».


L’architecture étant l’une des composantes essentielles pour la fabrique de la ville, les architectes prennent à bras le corps le fait de penser la ville pour qu’elle s’adapte au phénomène sociétal majeur de la vulnérabilité et du vieillissement. Depuis quelques années, plusieurs projets commencent à voir le jour. De même, nous assistons à la prolifération de réalisations mettant en avant de nouveaux usages d’habitation, comme des services de partage d’espaces communs aux structures spécifiques destinées au grand âge.


Vers de nouvelles façons d’habiter


Bien vieillir chez soi c’est aussi vivre à proximité des autres tranches d’âges en mutualisant certains espaces de la ville. Pour cela, une politique ciblée à travers une architecture polyvalente et intergénérationnelle peut être l’une des solutions. En Europe, les exemples de projets dédiés à une population de plus de 55 ans sont nombreux. L’exemple des logements sociaux pour personnes âgées comme l'immeuble WoZoCo à Amsterdam signé MVRDV, est devenu un modèle à part entière. Retour sur les quelques exemples de programmes participatifs et intergénérationnels qui peuvent devenir des prémices de la ville de demain.  

©11h45


En Gironde, à Cenon, les architectes de l’agence 2PM A ont réalisé une résidence intergénérationnelle de 120 logements, comportant des logements familiaux ainsi que des logements dédiés à des personnes âgées autonomes à chaque palier, l’objectif étant de permettre le maintien à domicile des personnes vieillissantes. Les architectes nous racontent que le programme vise à créer les conditions d’émergence d’une dynamique sociale positive, à favoriser l’intégration des personnes âgées dans un tissu de voisinage, et de créer une offre de logement collectif social désirable pour toutes les générations. Soulignons que le programme comporte plusieurs appartements modulables qui peuvent devenir médicalisés selon les besoins futurs. Non loin de la résidence, au rez-de-chaussée d’un des bâtiments alentours, se trouve une extension hors-les-murs de la médiathèque où, une fois par semaine, des rencontres autour de la lecture sont organisées avec les enfants des écoles voisines, mais aussi en présence des personnes âgées.

©Alexandre Dupeyron


De même, l’agence a réalisé à Mérignac, la Maison des associations d’Arlac (Art et Loisirs), un programme ambitieux qui acte un dialogue subtil entre le bâti et le paysage environnant. Outre les procédés durables mis en application dans le projet comme une chaudière biomasse, la nouvelle isolation du bâtiment, les généreux percements protégés et la présence du bois en intérieur, l’ensemble se démarque par son restaurant pour séniors qui favorise les discussions et encourage la rencontre avec les personnes présentes sur place que ce soient celles qui sont de passage ou celles qui participent aux diverses activités. Un grand pas en avant vers le « Vivre ensemble ».

©Stéphane Chalmeau


L’agence d’architecture nantaise Guinée*Potin (Anne-Flore Guinée et Hervé Potin) a réalisé un projet où douze familles dont dix-sept adultes et dix enfants ont créé une coopérative d’habitants et habitent ensemble dans un immeuble conçu pour eux, à La Montagne, près de Nantes. Agés de 3 à 78 ans et venant d’horizons sociaux différents, ils ont cherché à se regrouper pour créer un habitat participatif qui prendrait en compte les dimensions écologique et intergénérationnelle. Dans ce village de 6 000 habitants, situé à une vingtaine de kilomètres de Nantes, sur une parcelle de 7178 m² dont 2 800 m² constructibles, plusieurs familles ont créé une coopérative d’habitants. Ils ont fait un montage financier, et même participé au projet architectural. La coopérative leur permet de mettre les apports en commun et d’accéder à un prêt collectif. Les résidents détiennent des parts sociales de la coopérative mais ne sont pas propriétaires de leur logement. C’est la coopérative qui possède l’ensemble des bâtiments et la gouvernance reste horizontale : chaque coopérateur possède une voix. Avec les architectes de Guinée*Potin, les habitants décident de garder la vieille bâtisse, qui sera consacrée aux espaces communs et d’implanter autour trois maisonnées tout en bois. La vie collective implique également le partage d’un potager, une laverie commune, des connexions Internet mutualisées. De même, dans la maison commune, la cuisine est utilisée lors des déjeuners partagés et des réunions.

©11h45


L’agence d’architecture parisienne ITAR (Ingrid Taillandier) vient de livrer à Ferrières-en-Brie, un projet mixte qui comprend une résidence étudiante de 94 logements, une résidence intergénérationnelle de 60 logements, ainsi que des locaux communs et des bureaux. Les deux résidences où chaque logement jouit d’une grande luminosité et de moult critères bioclimatiques, partagent un socle commun, une entrée unique et bien des qualités. Tandis que la résidence pour étudiants se caractérise par sa façade blanche, celle dédiée à la résidence intergénérationnelle arbore une teinte plus ténébreuse. Malgré les deux entités, le projet est pensé dans sa globalité. Un jardin linéaire récoltant les eaux de pluie et planté de fruitiers et d’arbres de milieux frais prend place au sud de la parcelle tandis qu’à l’est, les habitants peuvent jouir de la présence d’une clairière partagée. Cette dernière intègre un très long banc, une caractéristique de plus en plus rare mais essentielle pour les espaces publics. Ainsi, les habitants peuvent s’y retrouver à distance du bâtiment. Le vaste deck est quant à lui directement en lien avec la salle polyvalente. Soulignons que le gestionnaire des résidences, Amli, met cinq voitures électriques à disposition des habitants, libre d’usage moyennant 5 euros de l’heure. Il s’agit d’un projet utile à la société où chaque génération trouve son bonheur.

Les exemples sont variés et nombreux et tous traités avec la plus grande précaution pour une architecture qui répond avec tact à de nombreuses problématiques actuelles. Certains procédés sont probablement encore en discussion, d’autres idées sont à venir mais tous ces efforts convergent vers un espace public apaisé ouvert à toutes les générations. La ville de demain est en train de dessiner ses contours et ces derniers doivent répondre avec habileté aux diverses prérogatives de l’évolution des populations. Bien vieillir chez soi n’est plus un simple souhait, il peut devenir une certitude.

 

> Consulter le dossier spécial Bien vieillir chez soi

 
Sipane Hoh

Photo de une : ©Stéphane Chalmeau

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