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Quand l’architecture participe au devoir de mémoire face à l’horreur de l’Holocauste

Publié le 18 août 2004

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Alors que vient d’avoir lieu la cérémonie de clôture des travaux du Mémorial de l'Holocauste à Berlin, il convient de saluer un autre monument qui rend hommage aux Juifs d’Allemagne: le Musée juif. Le bâtiment, construit à Berlin entre 1993 et 1998, pose d'emblée une question que l'architecture n'a pas l'habitude d'aborder: celle de ses propres limites. Comment l'architecture peut-elle construire là où tout a été détruit, comment peut-elle se confronter à l’histoire et surtout à cette histoire-là ?
Quand l’architecture participe au devoir de mémoire face à l’horreur de l’Holocauste - Batiweb
La réponse de Daniel Libeskind (dont ce fut le premier bâtiment construit), est à la fois littérale et secrète.

Elle est littérale dans la forme extérieure du bâtiment, un « geste » expressionniste, un zigzag, une extraordinaire ligne brisée, qui plie tout son volume d’un bout à l’autre de la parcelle et qui incarne pour l’architecte toute la violence, toutes les cassures de l’histoire des Juifs en Allemagne.

Elle est secrète car derrière ce geste expressionniste plastique se cache un autre bâtiment, un bâtiment fantôme sur lequel le visiteur ne cesse de buter sans jamais pouvoir le comprendre tout à fait, tout au long d’un parcours qui joue sur le déséquilibre et une perte physique des repères, déstabilisante jusqu’au malaise.

Inspiré par Benjamin et Schönberg, Daniel Libeskind a conçu un bâtiment en béton brut, en forme d'étoile de David brisée, symbolisant le traumatisme laissé par l'holocauste, la ligne y domine dans tous ses états. Celle qui plie en zigzag le musée d'un bout à l'autre, incarne la violence des cassures dans l'histoire des Juifs allemands. Celles qui zèbrent la façade comme des cicatrices sont des fenêtres dont l'irrégularité rend difficile tout accrochage intérieur.

Trois couloirs souterrains symbolisent la continuité, l'exil et la mort. Un seul chemin, celui de la continuité, mène aux salles du musée, les deux autres étant jalonnés de vitrines où sont exposés des photographies et des dessins d'enfants. L'axe de l'exil débouche sur un jardin suspendu dont les 49 piliers penchés déstabilisent jusqu'au malaise. Au bout de l'axe de l'holocauste, une porte noire s'ouvre sur une tour plongée dans la pénombre.

Dans les salles, Libeskind a réservé des tours vides sans accès, tensions entre ce qui peut et ne peut pas être raconté, le seul vide accessible étant celui de la mémoire.

Ce n’est pas une aimable promenade muséale mais un trajet aux allures d’épreuve, dont les jalons s’appellent La Tour de l’Holocauste, Les Jardin de l’Exil, Les Vides. Ces Vides sont des tours de béton, totalement invisibles de l’extérieur, qui traversent le bâtiment sur toute sa hauteur. Il y en a six de forme différente, elles ne contiennent rien, on n’y entre pas. Au sein du musée, envahi par une collection pléthorique qui évoque la longue histoire de la présence juive en Allemagne, elles incarnent la dernière figure du judaïsme allemand, celle de l’absence.

Et le refus de toute nostalgie, de tout commentaire. Jamais aucun bâtiment n’a réussi à incarner à ce point la contradiction entre ce qui doit absolument être dit et ce qui ne peut ni ne pourra jamais l’être.

Ce sentiment de malaise gagne en acuité lorsque l'on pénètre l'espace intérieur du musée. Intitulé "Between the lines", l'intérieur est un étrange agencement de couloirs et de salles, qui provoque chez le visiteur un sentiment mêlé de vertige et d'étouffement.

Le musée juif abrite une exposition permanente, retraçant les deux millénaires de la communauté juive à Berlin et en Allemagne. La découverte du musée juif de Berlin se veut donc un intéressant exercice de mémoire, qui marquera le visiteur tant dans son esprit que dans sa chair. Surnommé le Blitz, l’éclair, par les Berlinois, le musée juif qui a connu une histoire institutionnelle particulièrement tourmentée, est aujourd’hui l’un des bâtiment les plus visités de Berlin.

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