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Place de l’Etoile, pendant les travaux, le vol continue…

Publié le 30 août 2004

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Depuis 1968, le pavé parisien s’est fait une réputation internationale. Il est devenu, même pour les idéalistes les plus sages, un symbole de révolte au même titre que la photo de Che Guevara. Mais à la différence de l’image du Che, le pavé parisien n’est pas à vendre. Alors, pendant les travaux, on le vole…
Place de l’Etoile, pendant les travaux, le vol continue… - Batiweb
Les actuels pavés de la place de l’Etoile à Paris ont été posés en 1947. Savamment assemblés, leurs différentes teintes forment une étoile dont les pointes de chaque branche aboutissent à l’entrée de chacune des avenues qui débouchent sur la place. Au sol, l’étoile est quasi invisible, il faut s’élever pour la distinguer. Au centre de la place, autour de l’Arc de Triomphe, ils forment une bande de 17 mètres occupant une surface de 7000 m2. Disposés en écailles ils alternent sur trois couleurs, grise, verte et rose.

La chaussée de la place, réalisée dans les règles absolues de l’art, n’a pratiquement jamais réclamé d’entretien depuis sa dernière réfection, peu après la libération. A l’inverse de ceux de la rue Saint-Jacques et du boulevard Saint-Michel, ses pavés n’ont jamais été sollicités dans les révoltes populaires qui ont ponctuées l’histoire récente. La préfecture n’a donc jamais jugé utile, comme elle l’a fait dans les quartiers politiquement sensibles, de les priver de leur esprit guerrier en les recouvrant de bitume. Mais aujourd’hui un petit nettoyage des blocs de grès s'avére nécessaire. Il a été entrepris afin qu’ils retrouvent leurs teintes rayonnantes sur la place la plus fréquentée de la capitale. Les hommes d’Eurovia et de SATP, démontent donc en juillet et août tous les pavés de la bande centrale, afin de les nettoyer et de les replacer une fois leur forme de béton reprise.

Ce travail, banal aux yeux habitués des parisiens, s’effectue sous le regard des milliers de touristes qui, chaque jour, viennent visiter le site de l’Arc de Triomphe afin d’admirer du haut de l’Etoile la perspective des Champs Elysées, de la Concorde et des jardins du Louvre. Mais cette vision d’exception n’est plus depuis quelques temps le seul souvenir que ces derniers entendent ramener chez eux. Beaucoup repèrent en effet les piles de pavés mis à l’écart dans l’attente de leur nettoyage ou de leur pose. Les pavés sont en grès mais, ainsi exposés, ils prennent rapidement aux yeux des visiteurs étrangers des allures de lingots d’or très convoités. De fait, ils forment un trophée chargé de symbole qui vaut largement toutes les cartes postales et les tee shirts au goût douteux vantant la capitale. Des symboles qui valent bien aussi toutes les astuces dont ils font preuve pour les dérober. Effectivement, pour ces chapardeurs d’occasion l’affaire réclame quelques astuces.

Chaque pavé pèse en effet plusieurs kilogrammes. C’est un souvenir particulièrement difficile à caser dans un sac à main. Souvent, à la grande stupéfaction de ces chapardeurs maladroits, il perce instantanément de sa brutale lourdeur le sac plastique ou ils comptaient subrepticement le glisser. La plupart du temps, les ouvriers font mine de ne rien voir, préférant se repaître en riant du savoureux spectacle de ces pickpockets d’occasion, cherchant en vain comment dissimuler leur encombrant larcin. Souvent désemparés et soudainement craintifs lorsqu’ils ont leur pavé en mains, nombre de ces touristes reposent alors prestement l’objet de leur délit. D’autres, une fois leur forfait réussi, font aussi demi-tour, sans doute effrayés à l’idée de passer toute la journée dans les rues et les monuments parisiens, en traînant à grand peine un fardeau si lourd. Ils reposent alors discrètement le trophée si dangereusement dérobé, en s’excusant confusément de cette coupable et involontaire distraction qui les a malencontreusement conduits à se saisir d’un pavé en lieu et place de leur petit sac de voyage… D’autres encore reviennent poser le monolithe révolutionnaire, comme saisis d’effroi à l’évocation des explications qu’il devront, le cas échéant, fournir aux douaniers sur l'origine de cet étrange souvenir. Enfin certains, un peu plus stratèges, attendent que la nuit soit tombée pour agir en vrais professionnels. Avec des précautions dignes des commandos, ils appréhendent alors le tas de pierres, dûment munis du sac adéquat, probablement spécialement acheté pour l’opération. Mais là aussi, le poids et l’encombrement excessif des pavés n’autorisent la plupart du temps l’enlèvement que d’un seul objet par personne.

Place de l’Etoile, pour qui sait saisir les situations cocasses, le trafic des pavés parisiens est un spectacle savoureux. La Mairie, toujours soucieuse de la qualité de l'accueil des touristes dans la capitale pourrait s’emparer de leur engouement pour ces pavés et leur en offrir un au besoin en modèle réduit. Ce serait sans doute un cadeau modeste mais pour ces lointains amoureux de la capitale il aurait surement une haute valeur symbolique. Un souvenir original, particulièrement durable, porteur d' une touche humaniste et décorative dans tous les intérieurs et surtout, si emblématique d'une histoire que nous envient nombre de nations . Un cadeau enfin, particulièrement capable doper la notoriété de Paris, à condition bien sûr qu'il ne leur soit pas violemment offert dans la rue, par un protestataire ou un CRS le jour d'une manifestation...

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