En 1851, au sommet de sa puissance coloniale, 240 architectes anglais bâtirent, le Crystal Palace. Un puzzle démesuré, conçu en 9 jours pour marquer la gloire de l’empire.
L’exposition universelle londonienne de 1851 offrait l’occasion aux Anglais d’évincer Paris dans le leadership de la modernité et de montrer au monde la toute puissance de leur empire.
Dans une débauche de moyens, l’édification du Crystal palace fut confiée à l’architecte Joseph Paxton. Celui-ci, déjà bâtisseur des serres géantes de Chatsworth House, n’était pas novice en matière de projets grandioses. En 9 jours, il conçut ce qui devint alors, et pour longtemps, le plus grand bâtiment du monde. Avec l’appui de plus de 240 architectes et ingénieurs, en moins de 6 mois, 1600 ouvriers firent sortir du sol de Hyde Parc une immense cathédrale de fonte et de verre. Une cathédrale formée d’un bâtiment rectangulaire traversé d’une nef centrale de 22 mètres de large, de 33 mètres de hauteur sous verrière, à laquelle aboutissent 5 majestueuses nefs latérales. Le colossal bâtiment, est divisé en deux parties égales par un transept en arche qui sert aussi de joint de dilatation à la masse complète de l’ouvrage. L’ensemble atteint la longueur record de 563 mètres. En son sein, selon la comparaison des bâtisseurs de l’époque, « on pourrait loger quatre fois la basilique Saint Pierre de Rome ». Au plan statistique, les journaux ne se lassent pas de l’énoncé des chiffres: 3 300 colonnes, 30 000 vitres standard montées 325 km de châssis de bois, 2 000 poutrelles de fonte, 54 km de gouttières, 13 km de tables d’exposition… Les architectes ont surmonté tous les obstacles techniques en mélangeant tous les matériaux, bois, fonte, acier, verre et poussé les industriels dans leurs derniers retranchements en matière d’innovation. Au milieu de la pluie d’invention présentée par toutes les nations participantes, le Crystal Palace fait figure de vedette. Sa vision coupe le souffle des visiteurs. A l’intérieur, l’effet est le même. Sous la nef de 33 mètres, une fontaine géante en cristal de bohème de plus de 8 mètres de haut, alimentée par des réservoirs souterrains d’eau de pluie, rafraîchit l’air ambiant. La reine Victoria gagnée par le succès de l’exposition anoblie l’architecte. Le palais colossal va sérieusement influencer les Européens. Dans les années qui suivent, tous les pays développés d’Europe vont reprendre à leur compte l’architecture du monument. Ainsi, le Glapalast de Munich ou le Grand Palais de Paris seront les dignes héritiers du Crystal Palace. Par centaines, les communes vont se doter de bâtiments publics inspirés du modèle londonien. On en trouve encore largement les traces dans les halles de marché, les villes thermales ou les chantiers navals. Joseph Paxton a de surcroît poussé le génie très loin. Son monument est conçu comme un immense puzzle. Après l’exposition, il fut démonté en quelques jours puis reconstruit plus loin, et en plus grand, à Sydenham, au sud de Londres. Bâti pour durer aussi longtemps que l’empire, il connut néanmoins un sort tragique. Dans une nuit de novembre 1936, il disparut dans un incendie apocalyptique, dont on n’identifiât jamais l’origine. Une ironie du sort pour un bâtiment largement affranchi du bois. Un siècle et demi plus tard, les ingénieurs, souvent sans le savoir, reprennent encore les techniques et calculs élaborées par l’architecte mégalomane et ses 240 collaborateurs.