Massimiliano Fuksas célèbre le chaos de nos villes modernes
"La ville est le lieu de l'économie, de l'échange ; là où il est possible de s'enrichir. C'est le lieu vivant de toutes les contradictions. (…) La ville est la façon que nous avons de vivre le temps ; nous avons besoin de ne pas nous en sentir exclus. Si nous multiplions tout cela par cent, c'est la mégalopole. Plus nous suivons le flux de cette urbanisation planétaire, plus surgissent les difficultés. Jamais je ne pourrais travailler dans un espace vide, stérile.", écrit l'architecte dans un chapitre intitulé « Le développement sans fin de la ville ».
Cet ouvrage, sous forme de collages de pensées diverses, de réflexions sur le métier d'architecte et sur le développement de la ville, fait l'apologie du chaos. Un chaos qui selon Fuksas doit exister, pour permettre le développement des villes, pour favoriser la création d'idées nouvelles, selon le principe bien connu que "la nature a horreur du vide".
Déplacements
Ce chaos est le résultat de l'évolution de notre société. Les déplacements humains en sont le reflet. A l'époque de l'ère industrielle, "une personne de classe moyenne, ou plus modeste (…) partait le matin, se rendait sur son lieu de travail, souvent situé en banlieue, en empruntant le train ou le métro, et, une fois la journée achevée, rentrait dormir chez elle. C'était le cycle de vie d'un salarié. Aujourd’hui c'est terminé. La classe moyenne d'une ville riche est désormais autonome. Elle se déplace en voiture, rencontre ses clients, suit les mouvements que lui suggère son activité. (Mais) la voiture, qui avance grâce à un combustible archaïque, est un élément lourd et polluant".
S'il est critique sur son temps, Massimiliano Fuksas n'en est pas pour autant aigri ou réactionnaire. Il ne peut s'empêcher pourtant de constater que "le centre historique européen risque de devenir un entertainment center. Ce que les Américains ont construit de toutes pièces, artificiellement, nous, nous le réalisons dans des lieux culturels d'une délicatesse extrême. (Conséquence), les appartements du centre perdent de la valeur en tant qu'habitation, mais en acquièrent comme centres commerciaux possibles ou bureaux d'affaires."
Chantiers
Parmi d'autres réflexions sur sa condition, l'architecte écrit à propos des chantiers : "Un chantier est splendide lorsque tous les jours il s'y passe quelque chose de nouveau. Il est pénible, épuisant, répétitif, lorsqu'on ne va de l'avant que par des notes étouffées et qui sonnent faux. (…) Le chantier est le moment le plus beau et le plus fascinant de notre travail. C'est la magie de l'architecture en cours".
Grand prix d'architecture 1999, Massimiliano Fuksas a dirigé la 8ème Biennale d'Architecture de Venise (1998-2000). Il a réalisé de nombreux projets en France dont le Zénith de Strasbourg et celui d'Amiens, la médiathèque de Rezé (44), le lycée Maximilien-Perret d'Alfortville, la Maison des arts de Bordeaux... Ses projets à venir comptent la Maison de la paix en Israël, le Centre Euromed à Marseille et le nouveau bâtiment des Archives nationales de France à Pierrefitte-sur-Seine (93).
Court et facile à lire, ce livre est issu de vingt ans de conversations avec son ami écrivain et journaliste Paolo Conti, lui aussi italien.
Laurent Perrin