La mort lente du majestueux palais des meuniers
Le sens du gigantisme
L’opulence des meuniers du Nord, comme celle des tisseurs et des maîtres du charbon, devait pouvoir se lire dans l’architecture de leur usine. Comme pour les grands sites religieux, le gigantisme des bâtiments jouait alors pleinement son rôle sur des classes laborieuses pour lesquelles la taille était synonyme de respect voir de crainte. Mais le véritables ennemi de ces maîtres de l’industrie semblait être à l’époque leur meilleur allié. Le progrès qui les avait tant servis fut aussi celui qui devait, des années plus tard, signer la fin de leur croissance. Quand le moulin a cessé toute activité, en 1987, il a été laissé à l'abandon. Et les pillards se sont précipités comme des charognards pour récupérer tout ce qui pouvait encore servir. Ils n'ont quasiment laissé que les structures. Le monument indestructible trône cependant toujours au milieu d'une zone industrielle qui cumule bien des handicaps. En effet, ce site, qui voisine avec des usines encore en activité, est classé Seveso. Donc à hauts risques. Usines de polyéthylène, sous-sol gorgés de nitrate, de chlore et d'acide sulfurique, les sols, sur cinq hectares, contiennent du pyralène. Qui dit mieux ?
Bientôt monument historique ?
Et pourtant, la survie du Moulin de Marquette-lez-Lille, n'est pas sans avenir. En effet, le site qui intéresse la mairie de Lille et la communauté urbaine est en passe d'être classé au titre des monuments historiques. Ce paquebot est en effet l’un des rares témoins d’une époque où les industriels voulaient croire que leur croissance ne pouvait avoir de limites. Les grands Moulins de Marquette ont effet signé la fin de l’ère de l’alimentation et ouvert celle de l’industrie agroalimentaire. Si ce classement aboutissait, ce serait la garantie de sa survie. Néanmoins, tout reste à faire. Le projet de la mairie est ambitieux. Il s'agit de recycler tout le site et d'en faire un nouvel espace urbain, soit soixante hectares. Un projet gigantesque qui va nécessiter bien des investissements. Premières urgences : l'assainissement des sols et la destruction des constructions inutiles. Les abords de la Deule sont déjà en cours de réaménagement et une ligne de tramway doit desservir le site. Les usines polluantes qui l'environnent ont cessé leur activité en 2001. Toutes les conditions semblent réunies pour redonner vie à cet ensemble architectural. Cependant, la seule volonté des élus n'y suffira pas. Si les investisseurs ne répondent pas présent, les Grands Moulins de Marquette auront du mal à préserver une part de la mémoire des hommes du Nord.