L’Iliade et l’Odyssée du pont Rion-Antirion
Chaque nouvelle opération est un défi
Mais ces opérations ne sont que le prélude à une intervention dont la banalité dissimule la difficulté. Le ferraillage intensif puis le remplissage en mer des immenses puits par du béton frais sont aussi de véritables défis. Sous un soleil sans aucune indulgence, les ouvriers installent en effet dans les colonnes un ferraillage dont la densité peu courante atteint 400 à 900 Kg par m3. Une architecture complexe d’acier qui doit rendre l’ouvrage quasi-indestructible. Quant au béton, il doit comme les piliers, lui aussi voyager en mer. Une opération qui se joue pour sa part contre la montre. En effet, le béton est produit à terre à partir de 2 centrales à raison de 30 à 40 m3/heure, à une température qui ne doit pas dépasser les 30 degrés. Les coulées se font donc toujours hors des heures chaudes. Chaque formule de béton est particulière car elle est ajustée au regard des contraintes structurelles de l’ouvrage. Une production supervisée sous l’œil intraitable d’une femme, Chrystelle Laborde, la responsable béton du chantier. Transporté dans des toupies et acheminé par une flottille de bateaux, le béton doit alors atteindre impérativement en moins de 3 heures son point de coulée. Au-delà, c’est la fin de sa durée de vie. Ultime précaution, il contient un super plastifiant sophistiqué fabriqué par la Sté Chryso, le Chrysofluid Optima 100. Un produit qui outre une forte réduction d’eau, offre un maintien de rhéologie 3 à 5 fois supérieur à un adjuvant classique. Une aide très précieuse pour les bétons autoplaçants. Au final, les têtes de piles qui viendront chapeauter ces obélisques herculéens seront à leur tour surmontées de quatre jambes, en haut desquelles viendront à leur tour se fixer les haubans du pont. Ces monuments émergeants de l’azur domineront pour longtemps la mer ionienne et les côtes grecques à 160 mètres au-dessus des flots. Le pont de Rion-Antarion, une fois terminé, sera à sa façon, à 3 000 ans d’intervalle, un hommage de taille aux ingénieurs qui ont donné à la Grèce ses plus beaux monuments. Un majestueux salut, au-delà des frontières temporelles, entre des constructeurs habités d’une même passion.