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L'énigmatique filature cathédrale de Fontaine Guérard

Publié le 20 juillet 2007

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Dans la vallée de l'Andelle, à une vingtaine de kilomètres de Rouen, se dressent des ruines qui ne manquent pas de susciter bien des interrogations aux visiteurs de passage. Sont-elles les vestiges d'un passé moyenâgeux oublié ? Cachent-t-elles un secret dont le village de Pont-Saint-Pierre serait le seul dépositaire ? Vous n'y êtes pas. Ce sont tout simplement les atours dépouillés d'une filature construite dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dont nous ne connaîtrons jamais le nom de l'architecte.
L'énigmatique filature cathédrale de Fontaine Guérard - Batiweb
Nous connaissons cependant le nom du propriétaire de ces lieux à jamais rendus à la nature sur les bords d'un affluent de la Seine. Il s'agit d'un dénommé Le Vavasseur et de ses descendants. Nous sommes au début du XIXe siècle et l'homme, armateur de son état, décide de se lancer dans l'industrie textile. Avec quelque capitaux, en 1821, il achète un terrain et ses deux filatures de laine et de chanvre au lieu dit Fontaine-Guérard. Pour le même prix, il obtient les ruines d'une abbaye cistercienne dont il ne se préoccupe guère. L'affaire marche convenablement et c'est tout naturellement son fils, Charles, qui lui succède en 1851. Jusque-là rien de notable. Sauf que ce fils, anglophile mystique et quelque peu mégalomane décide de reconstruire les usines selon les plans d'un modèle anglais. La filature de coton est achevée en 1860 et composée de deux bâtiments de 10 mètres de long, de 25 de large et 36 mètres de haut. Elle a tout de la cathédrale gothique, de ses fenêtres en forme d'ogive garnies de vitraux à sa façade où trône une rosace. L'autre filature, plus petite, est exactement dans le même style. Pour finir, Charles Le Vavasseur fait creuser un canal tout au long de l'Andelle. L'usine est désormais une île sur laquelle s'élève, majestueuse, son usine comme un lieu sacré coupé du monde profane.

Patron de droit divin Cependant cette fantaisie n'en est pas tout à fait une : l'eau permet de faire fonctionner les machines hydrauliques. Outre les bâtiments, il fait également construire des bâtiments pour le stockage, deux machines à vapeur et une cité ouvrière. Dans une époque ou les industriels sont détenteurs d'un certain droit divin, le patron de cette filature close, aux allures de monastère, organise à l'image de Dieu le destin de son armée d'ouvrières. C'est alors que les malheurs vont venir s'accumuler. En 1874, un feu se déclare dans la grande filature, ravageant tout en à peine trois heures. Découragé et effrayé par ce qu'il considère comme une revanche céleste, Charles passe la main à son fils Arthur. Celui-ci abandonne le grand bâtiment à son sort pour se replier sur la petite filature. Mais en 1913, le feu se déclare à nouveau. Le sort semble s'acharner à mettre en ruine la filature cathédrale. On répare les bâtiments et la filature repart. Au début des années 20, Jacques, fils d'Arthur, modernise l'entreprise en installant une centrale à plusieurs moteurs diesels. Quand arrive la guerre. L'usine marche doucement. Mais, en 1946, Bernard, le dernier des Le Vavasseur doit faire face à son tour à un ultime incendie. C'est la fin. Il arrête ses activités de tissage, fait installer une turbine électrique et vend son électricité à l'EDF. Dans les années soixante, Bernard se sépare du domaine peu à peu envahi par la végétation ; Que faire des ruines ? Rien. Il ne se passe plus rien à Fontaine-Guérard où la nature a repris ses droits. C'est aujourd'hui un lieu de visite. Les touristes comprennent mal le voisinage des restes de quelques mécaniques rouillées au milieu de ses murs d'église protégés par leurs douves. Les initiés, amoureux de l'architecture industrielle, reste quant à eux dubitatifs devant les ruines maudites de la filature cathédrale de Fontaine-Guérard.
Srce. Arch de Seine Me, Conseil Gl, Patrimoine Industriel E.Roux & G Fessy.

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