"Jean Nouvel est certainement l'un des plus talentueux architectes du monde". C'est en ces termes que Marco Goldschmied, président du prestigieux prix d'architecture Royal Institute of British Architects, considéré comme l'un des plus importants prix d'architecture au monde, avait présenté Jean Nouvel lors de la remise des prix en 2001. C'est aussi l'un des enfants terribles de l'architecture française. Agé de 62 ans, celui qui se définit toujours comme "architecte militant" a saisi l'occasion de cette rencontre devant un par-terre d'étudiants en architectures pour revenir sur ses grandes constructions et sa vision concernant l'architecture et la ville.

Admis premier à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1966, Jean Nouvel va puiser ses prises de positions militantes, voire polémiques quant aux problèmes et décisions des technocrates, dans "le décalage entre ce qu'il avait appris aux beau-arts et la réalité du métier sur le terrain". Il s'est ainsi rendu compte qu'"être architecte au 20e siècle allait être une aventure particulière par rapport aux générations passées ".
Engagé dans la "résistance" au moment de la destruction des Halles de Paris en 1976 pour appeler à une réflexion d'envergure sur la transformation de cet immense espace en plein cœur de la capitale, il n'hésite pas a rappeler qu'il "faut associer l'évolution architecturale avec l'évolution culturelle, cette dernière étant force de création et de rupture ".

Fidèle a sa réputation d'éternel contestataire, Jean Nouvel préviens "du danger des constructions ultra-rapide en Asie et en Amérique du Sud " qui sont "accentuées à cause des moyens mis en œuvre par les entreprises d'ingénierie, qui ne recherchent que le profit au détriment d'une véritable architecture". Car pour lui, le rôle de l'architecture au sein de la société est "celui d'un interprète de ses grands mouvements. A l'écoute des tendances, des mutations historiques, culturelles, sociales et environnementales de son époque, sa mission est de la retranscrire dans un langage poétique".

Ses projets, conçus souvent comme de vrais manifestes, sont porteurs de débat. Ainsi, Némausus, un ensemble de logements sociaux réalisé à Nîmes avec Jean-Marc Ibis en 1987, développe l'idée « qu'un beau logement est un grand logement », tout en s'opposant à la dictature de la norme des logements sociaux (HLM) en France. Nouvel fera également bouger le monde de la culture avec des œuvres aussi réussies que l'Institut du monde arabe et la fondation Cartier à Paris, l'opéra de Lyon, jusqu'au centre culturel de Lucerne en Suisse, son « chef-d'œuvre signé » en 1998 : une leçon de modernité face à la « vieille ville ».