ConnexionS'abonner
Fermer

Des tours à Genève ! La nouvelle a brisé un tabou

Publié le 30 septembre 2008

Partager : 

Partout où il y a des villes, c'est-à-dire où vit la moitié des habitants de la planète, la hauteur fait débat. En constante croissance, ceinturée par sa zone agricole, Genève n'y échappe pas. Autorités, urbanistes et sociologues, tous s'interrogent. De leur côté, les multinationales trépignent d'impatience à l'idée d'étaler leur puissance, architectes et promoteurs de montrer leur savoir-faire.Mais la Suisse, et la Romandie en particulier, craint la hauteur.

Des tours à Genève ! La nouvelle a brisé un tabou - Batiweb
Reste à savoir comment et pourquoi construire des tours à la place de l'Etoile. La densité de la ville est évidemment la première question. Spontanément, on tend à croire que la hauteur économise de l'espace. Dans un canton exigu comme Genève, ce serait une aubaine. Or de nombreux spécialistes soulignent qu'un ensemble de tours n'est pas forcément plus dense qu'un ensemble d'immeubles de six à huit étages bien aménagé.

La densité du Vieux-Carouge est ainsi la même que celles de ses tours! «Mais celles-ci ne sont pas très hautes. En doublant leur hauteur, on doublerait la densité du quartier. Et la surface construite n'est pas du tout la même», rétorque Bruno Marchand, qui enseigne la théorie de l'architecture à l'EPFL (lire l'interview en page de droite). En clair, plus on construit verticalement, plus on gagne en espace public.

Cette équation est d'ailleurs souhaitable dans le cas du PAV, estiment les professionnels interrogés, parce qu'elle permet de développer des activités collectives. Selon Bertram Ernst, l'architecte qui a conçu le masterplan, la base des tours ainsi que leurs premiers étages doivent être affectés à des activités publiques, telles que commerce et culture, afin que la population puisse s'identifier au Carrefour de l'Etoile.

La plupart des architectes suggèrent également que du logement soit prévu. «La mixité est essentielle pour ne pas recréer un quartier mort comme la Défense à Paris», analyse l'architecte Marcellin Barthassat. Les gratte-ciel monofonctionnels, la plupart du temps faits de bureaux, constituent par ailleurs «du gaspillage» selon l'architecte français Jacques Ferrier, auteur de plusieurs tours. Car les entreprises, qui ne fonctionnent que huit heures par jour, sous-utilisent la tour. Ainsi, la mixité, qui passe par de l'hôtellerie ou du logement, s'impose pour optimiser l'utilité du bâtiment.

Les tours ont ensuite un coût très élevé. Un promoteur Genevois projette d'en construire deux de plus de 150 mètres pour un peu moins d'un milliard de francs. A ce tarif, rentabiliser l'investissement peut s'avérer délicat. Il a par exemple fallu plusieurs années pour que la Messeturm de Bâle se remplisse. A Lille, les tours sont baptisées «tours thermomètres», car leur degré d'illumination varie suivant la conjoncture économique!

Le prestige d'un bureau établi au 40e étage se paie donc au prix fort. Mais, selon Bruce Dunning et Olivier Guenin, auteurs d'une étude préliminaire portant sur la construction de deux tours à l'Etoile (lire ci-dessous), le problème ne réside pas tant dans le loyer que dans la surface des locaux: «Les entreprises intéressées doivent pouvoir investir de très grands locaux.» Au sommet de leurs tours, la surface nette est en effet de 1400 m2! Il en va de même pour les habitations. «Leur standing sera élevé. On ne peut pas faire du logement social dans un tel bâtiment», expliquent les architectes.

Les tours passent aussi pour de grands consommateurs d'énergie. A titre d'exemple, le fonctionnement de la fameuse JinMao de Shanghai, qui s'élève certes à 421 mètres, coûte la bagatelle de 100 000 euros par jour! Toutefois, un nombre croissant d'architectes affirme pouvoir concilier hauteur et développement durable. Des exemples existent, à Paris notamment. Olivier Guenin et Bruce Dunning sont eux aussi persuadés que leurs tours peuvent être autosuffisantes énergétiquement.

Mais les futurs tours de l'Etoile ne font pas l'unanimité. Un fin connaisseur du quartier comme Alain Léveillé estime qu'elles ont été dessinées sur ce masterplan comme s'il s'agissait d'un «sujet d'examen pour étudiants des Beaux-Arts», sans prendre en compte le tissu urbain global. Il y voit un côté «provincial», un peu comme si Genève essayait de dire au monde qu'elle aussi peut avoir ses tours. Il est vrai que Zurich entend construire une tour de 126 mètres. Bâle a dépassé les 100 mètres et projette d'atteindre 160 mètres. Avec quinze mètres de plus, on croirait que Genève se lance ainsi dans un jeu de surenchère.

Bertram Ernst n'y voit pas un problème: «Les tours placeraient ce projet à un niveau international.» Surtout que le quartier n'a pas d'identité propre, comme la Vieille-Ville a sa cathédrale, relève-t-il. Ces constructions constitueraient donc avant tout un symbole de l'image que Genève entend véhiculer à travers le PAV.

Mais avant d'en arriver – peut-être un jour – à contempler le Jet d'eau du haut d'un restaurant panoramique perché sur une tour, des réponses devront être apportées à ces questions.

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.