Les villes qu’on appelle nouvelles ne le sont pas vraiment. Le XVe arrondissement de la capitale, fut en fait à deux reprises bâti sur le concept d’une ville-champignon créée de toutes pièces.
Contrairement à une idée reçue, l’émergence des villes n'est pas née avec la seule révolution industrielle qui à la fin du XIXe siècle a bouleversé notre société et nos paysages.
Dès 1824, à Paris, un homme avait déjà quelques idées sur le sujet. Il s'appelait Léonard Violet. Tout un quartier du XVe arrondissement de Paris porte son nom. Et pour cause, c'est là qu'il va donner libre cours à son projet. Paris, à cette époque, est encore une somme de villages. La verdure est partout, les habitations ont poussé ici et là de manière anarchique. Une bonne part du Paris d’aujourd’hui est encore à l’époque constituée de vergers, d’habitations à caractère agricole. En compagnie d'Alphonse Letellier, notre spéculateur achète de vastes terrains de la plaine agricole de Grenelle. En lieu et place des cultures, Léonard Violet entreprit de faire pousser une ville nouvelle, appelée Beaugrenelle, dotée de commerces, d'un lieu de culte, d'un théâtre, d'un port (la Seine est en effet à deux pas) et d'une zone industrielle. Notre homme ne redessinait rien moins qu'une ville à l'intérieur de la ville. Les rues furent tracées ex nihilo suivant un plan orthogonal qui demeure, à cette échelle, une rareté parisienne. Les travaux furent menés grand train et il ne fallut que quelques années pour lotir entièrement ce morceau de campagne. Bientôt élevée à la dignité de commune, la petite ville de Léonard Violet fut peu après rattrapée par la grande et avalée comme un simple quartier.
Plus d'un siècle et demi plus tard, ce même quartier devait connaître aussi une restructuration totale. On y construisit alors un quartier tout neuf en lieu et place de l’ancien et le nom de Beaugrenelle fut conservé. Pour les parisiens, l’affaire était claire, Paris avait donné naissance en son sein à une vraie ville nouvelle. Léonard Violet, premier créateur du site était alors tombé dans l’oubli et personne ne relevait cette bizarrerie répétitive de l’histoire urbaine. Son esprit malgré tout, hante encore les rues du quartier. On peut toujours observer, non loin de la rue du Commerce, son fameux château, transformé en caserne de pompiers. Ainsi que toute la structure de ce quartier qui reste globalement conforme à son rêve. Celui d'avoir édifié, avant tout le monde, une vraie "ville nouvelle".