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A Lyon, la vieille dame de la rue Lainerie dévoile ses bijoux…

Publié le 16 juin 2004

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«Il serait aujourd’hui refusé par tous les bureaux d’études». C’est en ces termes que Didier Répellin, architecte en chef des Monuments historiques, évoque l’escalier mystérieux de la maison du 10 de la rue Lainerie à Lyon. Retour sur la renaissance d’une maison Renaissance.
A Lyon, la vieille dame de la rue Lainerie dévoile ses bijoux…  - Batiweb
Ocre au milieu de l'ocre, avec la géométrie de guingois de ses fenêtres mal ajustées, elle ferait presque pitié. Entre Saint Jean et Saint Paul, la maison du numéro 10 de la rue Lainerie ne reflète plus depuis longtemps le faste de sa brillante jeunesse. Pourtant, comme quelques unes de ses sœurs lyonnaises, cette vieille dame cache au creux de sa cour intérieure un bijou sophistiqué qui, comme la belle au bois dormant, se révèle après cinq siècles d'une profonde léthargie.

Cette auguste maison florentine est née au XVème siècle dans un quartier longtemps voué à l'église. Mais au XIVème siècle, quand la royauté française étend sa main mise sur Lyon, ce quartier, comme presque toute la ville va connaître un destin florissant. En effet avec la création en par édit royal de quatre foires franches, Lyon va changer de visage. Ces grandes foires vont attirer les marchands étrangers et la ville deviendra un carrefour commercial majeur et l'une des plus grandes places bancaires d'Europe.

Attirés par les multiples privilèges qui accompagnent cette croissance, de nombreux marchands toscans, génois, et florentins s'installent à cette époque dans le quartier Saint Jean (les Thomassin, Gondi, Gadagne, Médicis). Ils vont y prospérer et y apporter une richesse architecturale d'exception. La maison du 10 rue Lainerie, sans doute demeure d'un riche financier transalpin, sera comme bien d'autre le siège de cette révolution économique. Car tout est alors possible à Lyon, aussi bien les prêts au roi que le crédit public ou le financement de grandes entreprises. Comme bien d'autres, le voyage d'exploration de Verrazano sur les côtes de l'Amérique du Nord en 1523 est alors financé par des crédits levés à Lyon. C'est aussi à Lyon que l'on traite les contrats d'assurance maritime pour les navires et les cargaisons qui sillonnent le globe, du Mexique à Constantinople. C'est donc à l'ombre des murs colorés et dans le secret des alcôves des belles maisons des rue Lainerie, Juiverie ou Saint-Jean que s'organise l'essor économique de l'Europe.

Mais cette époque n'aura qu'un temps. Chassée par les guerres de religion, le calvinisme et les crises diverses, la richesse va bientôt quitter les demeures ocres de Saint Jean pour se réfugier vers la presqu'île. Elles n'abriteront plus les siècles suivant que des générations d'ouvriers, en particulier les soyeux, pour qui la préservation de l'architecture ne sera pas une priorité. Combien de fois les vieilles dames de ces rues pavées faillirent être démolies ? Des dizaines sans doute.

Ce n'est qu'après avoir voulu raser le quartier Saint Jean en 1923 que les hommes du XXème siècle, pris enfin d'une soudaine passion pour l'architecture et l'histoire, classèrent ce vieux quartier et ses maisons au patrimoine mondial de l'humanité. C'est cette initiative qui vaut aujourd'hui à la vieille dame du numéro 10 de la rue Lainerie d'être restaurée. Un sauvetage qu'elle récompense largement en offrant aux regards de tous le magnifique et mystérieux escalier qu'elle cachait égoïstement. Si cet étonnant escalier à vis sans noyau n'est pas une pièce unique, son architecture sophistiquée reste néanmoins très rare.

Sa construction fut en effet soumise à des règles de calcul auxquelles très peu d'artisans oseraient, actuellement encore, se risquer. Comme le confie aux journalistes Didier Répellin, l'architecte en chef des Monuments historiques, cette prouesse technique serait d'ailleurs aujourd'hui refusée par tous les bureaux d'études. Les compagnons de l'entreprise Jacquet chargés de la délicate restauration du chef d'oeuvre ont du, pour le sauver, jouer avec brio de la résine et du goujonnage. Il faut dire que lorsqu'une même pierre sculptée joue à la fois le rôle de marche, de claveau de l'arc et de limon central, on ne la remplace pas, on la sauve. L'identité du génial constructeur de l'œuvre restera néanmoins à jamais dans l'anonymat. Il existe à Lyon un autre escalier du même type. Peut être est-il du même auteur, nul ne le sait…

Malgré les soins attentifs de ses sauveurs, la vieille dame du 10 gardera donc jalousement enfouis au creux de ses pierres les secrets de sa jeunesse ambitieuse et dorée. Mais son escalier parle. Il raconte l'admirable savoir des maîtres qui lui ont donné le jour. Un récit à l'italienne, tout en couleur et en mouvement. Reste cependant une chose qu'il refusera sans doute longtemps d'avouer, c'est le nom de son père…

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