En 1979, lorsque le viaduc de Charmaix ,sur l’A43, fut ouvert à la circulation, les ingénieurs n’imaginaient pas que, 20 ans plus tard, l’ouvrage deviendrait le premier viaduc mobile.
À l’instar du célèbre film « Danse avec les loups », l’affaire pourrait s’intituler « Danse avec les montagnes ».En effet, sur l’A43, le viaduc qui précède l’entrée du tunnel du Fréjus en franchissant la rivière Charmaix semblait, lors de sa construction, bien ancré sur les versants des montagnes qu’il relie. Celles-ci, supposées stables, n’avaient jamais montré des velléités de bougeotte. Malheureusement et contre toute attente, on devait relever, dès le début des années 80, des signes évidents d’instabilité chronique des montagnes bordant l’ouvrage. Ce phénomène, mineur au départ, devait prendre par la suite des proportions alarmantes mettant en danger le viaduc et ses utilisateurs. Alors qu’en 1985 les responsables se résignaient progressivement à la destruction de l’ouvrage et à une révision complète du passage du Charmaix, un homme providentiel vint proposer une solution qui, au départ, devait soulever surprise et scepticisme. Jean Torello, ingénieur du cabinet Eponyme, proposait en effet rien de moins que de rendre mobile le viaduc. Donner du mouvement à un ouvrage de 346 mètres de long, pour 12 de large, composé de 9 travées indépendantes constituées chacune de lourdes poutres précontraintes reliées par un hourdis coulé sur place, le tout reposant sur 7 Piles dont certaines étaient ancrées sur le rocher par une forêt de pieux, relevait en apparence du fantasme. On ne bouge pas impunément un viaduc de plusieurs milliers de tonnes, culminant à 50 mètres de haut, comme un vulgaire un tronc d’arbre sur un ruisseau. Néanmoins, malgré ses apparences quelques peu utopiques, ce pari, osé mais envisageable sur le papier, fut tenté. Un premier essai eut donc lieu en 86. Il s’agissait de désolidariser une pile de sa semelle afin de glisser dessous des vérins capables de la faire bouger sur commande dans les trois directions (amont, aval et mouvements latéraux). L’opération, loin d’être simple, fut pourtant un premier succès. Le dispositif fut prudemment étendu à 5 autres piles entre 89 et 90. Dès 90, il fut ainsi possible de procéder avec succès au premier recalage de l’ouvrage. Le deuxième eut lieu en 97. Le troisième est actuellement en cours. Il se déroule en outre, sans qu’à aucun moment la circulation soit interrompue. Les ingénieurs ont calculé que l’ouvrage pourra encore bouger régulièrement pendant 40 ans si les déformations des versants continuent au rythme de 1,5cm par an. Mais cela n’aura pas lieu. Compte tenu de l’importance stratégique de l’accès au Fréjus, le remplacement du viaduc est en effet d’ors et déjà prévu pour 2015. On savait déjà qu’avec un peu de foi, on pouvait déplacer les montagnes. Aujourd’hui, grâce à Jean Torello le sauveteur du viaduc, on sait désormais qu’il suffit de quelques vérins bien placés pour en limiter les effets.