Lutte contre les vols sur chantier, une opération pilote « concluante » à Bondy
Dans le Bâtiment, les vols représentent un coût direct et indirect pour les entreprises de bâtiment de plus d'un milliard d'euros, soit plus de 1 % du CA du secteur. Le matériel volé (métaux, équipements, outillages, matériels, engins...voire tableau électrique ou abattants de toilettes), doit en effet être racheté ou loué, ce qui entraîne souvent des retards voire l'arrêt du chantier.
Face à ce fléau, la FFB a décidé de réagir en menant une expérience pilote pendant 20 mois sur un chantier de 47 logements à Bondy (93), un chantier jugé a priori « à risques » à cause de sa situation « complexe et pénalisante pour la sécurité », explique Séverin Abbatucci, directeur des affaires juridiques et fiscales à la FFB.
Des « tags » aux endroits stratégiques
Et cette première expérience s'avère riche en enseignements. Sur le chantier, vingt-cinq balises radio appelées « tags » ont été disposées dans plusieurs endroits stratégiques (points de passage obligés pour accéder à une partie du chantier, matériels spécifiques, porte permettant d'accéder à du matériel) au fur et à mesure de l'avancement du chantier.
Ces « tags », faisant appel à la technologie RFID, ont été activés la nuit et les week-ends et désactivés pendant les journées de travail. A la moindre anomalie (vibration, déplacement, arrachage), le « tag » émet un message d'alerte envoyé à un appareil centraliseur dans une valise disposée sur le chantier, puis relayé soit sur le portable du chef de chantier, soit à un télésurveilleur qui peut, après « levée de doute » (concordance d'éléments qui indique une intrusion), déclencher l'appel aux forces de l'ordre.
« L'intérêt est de pouvoir gérer chaque badge comme une entité indépendante avec son profil horaire particulier, ce qui donne un aspect fonctionnel plus maléable », détaille Gilles Sussest, directeur générale de l'entreprise Servtel à l'origine de ces badges. La façon de recevoir l'information est également « innovante », selon Gilles Sussest car elle arrive « en temps réel, ce qui peut être déboussolant au départ ».
Formation et sensibilisation du personnel
D'où la nécessité de former son personnel sur plusieurs points. « L'installation des tags nécessite de se mettre à la place du voleur, c'est-à-dire d'identifier le type de matériels susceptibles d'être volés pour placer les tags aux bons endroits », explique Christian Wacquiez, président et dirigeant de l'entreprise Sacieg TAM Holding dans l'Essonne qui s'est porté volontaire pour cette expérimentation sur son chantier.
La formation à la manipulation générale et à la gestion du produit se ferait sous la forme d'un module d'une durée de trois heures. D'autre part, les personnes sur le chantier doivent être sensibilisées. « On sait que la moitié des vols enregistrés sur les chantiers sont liés à des intervenants du chantier qui donnent des informations à l'extérieur », souligne Christian Wacquiez « d'où la nécessité de préserver une certaine confidentialité, ne pas dire où se trouvent les tags ou comment les désactiver, surtout lors des phases de gros oeuvre et de second oeuvre », parfois même « à la veille de la réception des travaux », des périodes particulièrement sensibles pour les vols.
Des solutions « efficaces»
Suite à l'installation de cette technologie, aucun vol n'a été déploré sur le chantier de Bondy en dépit de nombreuses tentatives d'intrusion. Sept ou huit tags sur les vingt cinq manquaient cependant à l'appel à le fin de l'expérimentation.
« Les solutions RFID apparaissent efficaces à condition qu'elles soient associée à une formation des utilisateurs », admet Philippe Payn, Capitaine de police au Ministère de l'intérieur, en charge des dispositifs de sécurité. « Mais il serait bien de coupler ce dispositif à une autre technologie permettant de confirmer la présence d'un voleur ou de le faire fuir, ou d'avoir des éléments d'identifications permettant d'élucider les vols », précise-t-il.
Quid des capacités d'intervention des forces de l'ordre, souvent jugées « trop lentes » par les chefs de chantier ? « On ne peut jamais garantir qu'on va se précipiter, notamment parce qu'il y a parfois d'autres situations plus urgentes à traiter au même moment, détaille Philippe Payn. En revanche, il est nécessaire de se rapprocher des référents sureté en amont qui peuvent aider les chefs d'entreprise à apprécier la sensibilité d'un chantier, améliorer les dispositifs de sécurité ou encore aider au dépôt de plainte en cas de vols afin d'enclencher les conséquences judiciaires ».
Un coût d'environ 6 000 euros
Pour Christian Wacquiez, l'expérience est « concluante », c'est pourquoi cette technologie est actuellement utilisée sur un second chantier. Quant au coût - environ 5900 euros pour 15 tags, valise et carte opérateur - il « est compensé par notre assureur » qui a baissé sa franchise « de moitié ».
« Nous avons déjà fait un pas en avant pour améliorer l'aspect préventif », conclut Philippe Payne, mais il ne faut pas oublier de « signaler ses chantiers » car il n'y a pas de chantier type pour les voleurs. Les chantiers courants de logements dans des zones résidentielles pavillonnaires peuvent également être pris pour cible.
Claire Thibault
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