Ségolène Royal dévoile son projet de loi sur la transition énergétique
C'est l'un des textes les plus importants du quinquennat de François Hollande. Le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, dont les grandes lignes ont été dévoilées le 18 juin dernier, va être présenté dans son intégralité ce mercredi, à l'occasion du compte-rendu du Conseil des ministres.
Après des mois de débats et d'intenses tractations réunissant entreprises, ONG, élus, syndicat et de nombreux experts, il semble que le texte final comportera 60 articles. Plusieurs grands objectifs y figurent : réduire la consommation finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012, la consommation des énergies fossiles de 30% en 2030, parvenir à 32% d'énergie renouvelable en 2030 (contre 13,7% en 2012) et diminuer de 40% les gaz à effet de serre à l'horizon 2030.
L'isolation, pilier de la loi
Le texte se focalise surtout sur la rénovation thermique des bâtiments, sorte de pilier de la loi avec l’obligation de réaliser une isolation par l’extérieur lors d’un ravalement de façade, l’obligation de réaliser une isolation de la toiture ou des combles lors de la réfection de celle-ci et l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration d’isolation lors de l’aménagement de nouvelles pièces, initialement non destinées à l’habitation.
Un article de la loi que conteste déjà l'UNSFA : « Il est impossible de raisonner par éléments de bâtiment. Seul un diagnostic de l'existant et une étude approfondie de l'ensemble peut conduire à prescrire des travaux cohérents. Cette "obligation" ne tient pas compte des autres réglementations (incendie, accessibilité..etc) qui peuvent se contredire ».
« Comment obliger à réaliser une isolation par l'extérieur alors qu'en France nous avons un large patrimoine de bâtiments dont les façades sont en pierres et en briques apparentes. Quel héritage voulons-nous laisser ? Les architectes s’inquiètent de la pérennité et durabilité d’un dispositif qui revêt les bâtiments d’une peau fragile et sans tenue à moyen terme. Ils sont convaincus que l’intérêt du maître d’ouvrage doit être préféré à une approche dogmatique de la gestion thermique du bâti », font-ils savoir dans un communiqué.
Le chèque énergie
Ce grand axe de manoeuvre s'assortit de mesures de financement des travaux avec la création d'un « chèque énergie », versé sous condition de ressources et réservé aux achats d'énergie. Une fausse bonne idée pour l'UNSFA qui peut « produire des effets connexes délétères».
« La précarité énergétique va de pair, très généralement avec la vétusté des installations et du matériel en place (...) Le chèque énergie doit permettre le financement (d'un) diagnostic, car le droit à l’énergie ne peut se faire sans un droit à la santé et à la sécurité. Le résultat du diagnostic obligera, le cas échéant, les propriétaires à faire les travaux permettant d’y remédier », explique l'UNSFA
Le texte prévoit également de développer les transports électriques (prime à la conversion, multiplication des points de charge, conversion des flottes de l'Etat) ainsi que les énergies renouvelables (bois, biomasse, méthanisation, éolien off-shore).
L'enjeu de la rénovation des bâtiments concerne 20 millions de logements mal isolés, avec 4 millions de ménages peinant à régler leur facture énergétique.
L'objectif est de parvenir à rénover 500 000 logements par an d'ici 2017, un objectif qui semble de plus en plus utopique au regard des dernières notes de conjoncture de la construction, et malgré le développement de la formation des professionnels.
« L’objectif est ambitieux et louable, reconnaît l'UNFSA, mais il serait judicieux de définir les acteurs et leur rôle. Si 500 000 logements sont réhabilités sans architecte et sans architecture, nous préparons les sinistres techniques, sociaux de demain et une dégradation durable des tissus urbains et des paysages », s'offusque l'Union des architectes dans un communiqué, faisant remarquer que les mots « architectes » et « architecture » ne figurent jamais dans les textes présentés.
Négociation avec EDF
L'épineux dossier du nucléaire a été au centre de tractations très serrées avec les écologistes, qui souhaitaient voir l'Etat en position de fermer des centrales. Le gouvernement a finalement retenu l'option de la négociation avec l'opérateur EDF pour ramener à 50% la part du nucléaire dans la consommation d'électricité (75% aujourd'hui), un engagement de François Hollande.
Via une Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), l'Etat entend reprendre la main en matière de production énergétique en fixant la part de chaque source (renouvelable, nucléaire, fossile), un schéma auquel devra se conformer EDF et une disposition qui a satisfait les Verts, même en l'absence d'une limitation à 40 ans de la durée des centrales.
10 milliards d'euros de budget
« Il manque des éléments sur les transports, l'agriculture, l'urbanisme, on attend beaucoup des amendements », a souligné de son côté le juriste Arnaud Gossement, au nom de la Fabrique écologique, une fondation transpartisane réunissant élus, ONG et entreprises.
Sur la question clé des financements, Ségolène Royal a indiqué qu'environ 10 milliards d'euros seraient mobilisés et devraient avoir un effet de levier : 5 milliards de la Caisse des dépôts pour des prêts à 2% aux collectivités, 1,5 milliard pour le fonds pour les énergies renouvelables, 1,5 milliard d'allègements fiscaux, 1 milliard pour la rénovation énergétique des collèges, le reste sous forme de différents prêts (taux zéro pour les particuliers, prêts pour les PME-TPE, etc.).
Le projet de loi devrait être discuté à partir du 1er octobre à l'Assemblée mais il est déjà loin de faire consensus parmi les professionnels. Une commission spéciale pour préparer les débats sera constituée avec trois rapporteurs de la commission Développement durable et deux de celle des Affaires économiques.
Les objectifs du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Claire Thibault (avec AFP)
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