Saint-Pétersbourg : le gratte-ciel de la discorde
Les détracteurs du projet, dont une bonne partie de l'élite intellectuelle locale, estiment qu'il porte atteinte à l'unité architecturale de Saint-Pétersbourg, fondée par Pierre le Grand en 1703 et capitale impériale pendant deux siècles. Quelque 3000 manifestants ont protesté le 10 octobre dernier contre ce projet. « Gazprom go home », « l'Histoire est plus précieuse que l'argent », pouvait-on lire sur les banderoles brandies par les protestataires lors d'une des plus importantes manifestations organisées à Saint-Pétersbourg au cours des dernières années. Les résidents s'inquiètent de voir leur centre ville, qui figure au patrimoine culturel de l'UNESCO, défigurée. « J'ai défendu cette ville des bombes ennemies durant le siège (pendant la IIè guerre mondiale) et maintenant je dois la défendre de mes propres compatriotes », a déclaré Lioudmila Iliachova, 78 ans.
Vladimir Poutine, l'un des plus chauds partisans du projet
Le parti russe d'opposition Iabloko a déposé un recours en justice contre la décision de la ville de Saint-Pétersbourg d'autoriser la construction de la tour. « Cette décision n'est pas conforme à la loi et viole les droits et les libertés des citoyens », a déclaré l'antenne locale de Iabloko dans un communiqué. Le parti demande que la décision soit annulée pour dépassement des normes de hauteur autorisées. Selon lui, seuls des bâtiments de 100 mètres peuvent être érigés sur le site retenu, à l'embouchure de la Neva. « C'est scandaleux. L'administration de Saint-Pétersbourg a agi au mépris non seulement des règles architecturales mais aussi de l'opinion publique et de l'Unesco », a déclaré Antonina Elisseeva, coordinatrice de l'ONG « La ville vivante ». Le projet de Gazprom doit encore faire l'objet d'une expertise d'Etat, a toutefois souligné Mme Elisseeva, en espérant qu'il puisse encore être stoppé à ce niveau.
Le Premier ministre et ex-président Vladimir Poutine, qui nourrit de grandes ambitions pour sa ville natale, soutient pour sa part ce projet. « Il nous faut de l'air frais, des centres qui donneraient une impulsion aux activités commerciales », disait-il déjà en 2007 en pleine polémique. En 2007, l'Unesco s'était inquiété de la construction de ce complexe ultramoderne, avertissant que l'ancienne capitale impériale risquait d'être rayée de la liste du patrimoine mondial et classée dans celle du patrimoine en péril. Le cabinet d'architectes britannique RMJM London Limited a remporté en 2006 le concours pour réaliser cet ambitieux projet, doté d'un budget de 1,8 milliard d'euros.
Bruno Poulard