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La construction, entre freins et défis de transition (étude)

Publié le 13 mai 2024

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Alors que l'économie de la construction française décline, quelles sont ses perspectives d'évolution ? En particulier en matière de développement durable ? Le point dans une étude de McKinsey & Company.
La construction, entre freins et défis de transition (étude) - Batiweb

C’est un chantier qui préoccupe la France comme d’autres pays, mais aussi la construction comme bien d’autres secteurs : la transition environnementale. 

« Le paquet Fit for 55, adopté en 2021, détermine les objectifs climatiques des États membres de l'Union européenne. Il constitue une déclinaison plus ambitieuse que celle de l’objectif international, puisque cette orientation impose une réduction des émissions des États membres de 55 % à l’horizon 2030, et la neutralité carbone en 2050 », rappelle McKinsey & Company dans une dernière étude.

Le cabinet de conseil explore ainsi les différents défis et leviers de cette transition environnementale à l’échelle du BTP français. « La capacité du secteur de l’ingénierie et de la construction à livrer les projets dans les temps et dans les budgets est essentielle pour répondre aux objectifs de décarbonation à horizon 2050 : il s’agit en particulier de parvenir à mener l’ensemble des projets nécessaires à temps », lit-on dans le rapport de McKinsey & Company. 

« Réussir ce défi aura par ailleurs à horizon 2030 un impact économique direct évalué à plus de 1 % du PIB et indirect à hauteur de plus de 10 % du PIB, soit plus de 3 millions d’emplois dans l’Hexagone. Pour atteindre cet objectif et attirer les investissements nécessaires, le secteur de la construction en France doit relever quatre grands défis structurels », abonde le cabinet de conseil. 

Un manque de main d’oeuvre qui risque de se creuser

 

Et, sans surprise, ces défis structurels sont les mêmes cités depuis des années. D’abord la pénurie de main d’oeuvre « sans précédent » dans le secteur de la construction. Selon les chiffres de McKinsey & Company, plus de 26 000 postes étaient à pourvoir au 3ème trimestre 2023. Une vacance qui quintuple par rapport à celle observée au T3 2016.  « C’est le cas de rôles essentiels, à l’instar des conducteurs de travaux, des planificateurs, des soudeurs (pour les nouveaux sites industriels en particulier), des artisans (pour la rénovation énergétique) ou encore des métiers en lien direct avec le digital », est-il précisé dans le rapport. 

Le manque devrait se creuser, à en croire les estimations de France Travail, d’après qui plus de 20 % de la main-d'oeuvre actuelle (470 000 personnes), partira à la retraite d’ici 2030. Si des jeunes actifs devraient compenser ces départs, un déficit de talents est appréhendé dans le rapport. 

À ce déficit de compétences s’ajouterait une faible productivité, c’est-à-dire le rapport entre création de PIB d’heures travaillées. « L’écart par rapport à la moyenne de l’économie hexagonale est important : la productivité dans le secteur de la construction est en effet estimée à 59 000 € de valeur ajoutée par employé par an, contre 81 000 € en moyenne pour l’économie française, tous secteurs confondus », mentionne McKinsey & Company. 

La productivité a décliné de 1 % par an entre 1991 et 2019 dans ce domaine, tandis que celle sur toute l’économie française a progressé de 0,6 %. Et ce malgré des transformations digitales, car d’autres freins sont déplorés sur ce poste, dont la formation et la qualification des salariés. 

Une flambée des prix qui grippe l’innovation


À l’inverse, la construction française dépasse les moyennes nationales en termes d’inflation. Dans le secteur, les prix de matériaux ont bondi de 17 % sur la période de janvier 2019 à juin 2023, contre +12 % en moyenne nationale, tous secteurs confondus.  

« Bien que les prix de certains matériaux, comme l'acier, aient baissé par rapport à leurs sommets de 2022, ils restent néanmoins aujourd'hui nettement plus élevés en comparaison aux prix relevés au début de l'année 2020 (+20 % pour l’acier). Ceci est en lien avec les perturbations de la chaîne d'approvisionnement à l’échelle mondiale et l’envolée des coûts de l’énergie et des matières premières. Même si cela tend à se stabiliser, nous estimons que la hausse pourrait rester significative, du fait d’un prix de l’énergie qui devrait continuer à peser lourdement », développent les auteurs du rapport.

En résultent des marges resserrées chez les entreprises des secteurs, qui appréhendent une météo économique maussade. En témoignent leurs retours dans les dernières conjonctures de la CAPEB et la FFB. « Cette érosion de la rentabilité est problématique : elle limite la capacité des acteurs de la construction à innover ainsi qu’à mener à bien leurs plans de transformation, et impacte leur valorisation », souligne McKinsey & Company.

Ce qui pourrait ralentir la transition environnementale de la construction. Ce vaste chantier se concentre sur deux axes importants : la construction de nouveaux actifs et la rénovation énergétique. 

Une meilleure optimisation organisationnelle et financière pour une construction verte 

 

McKinsey & Company a tout de même identifié différents leviers pour accompagner la transition environnementale de la construction. Le premier : la modernisation des cursus et des process. Pas uniquement à travers le digital, mais aussi des méthodes de management, de travail ainsi que des perpectives d’évolutions de carrière alternatives. 

« Cela implique de prendre en compte les talents non traditionnels, de renforcer les partenariats avec des parties externes et de repenser la coopération avec les systèmes éducatifs. Enfin, en réinventant l'expérience des employés via des parcours de carrière non linéaires. Au-delà des promotions, les acteurs du secteur peuvent encore élargir le spectre des méthodes de revalorisation et de montée en expérience, tels que badges de compétences, mentorat exécutif ou projets spéciaux. Par ailleurs, des barrières sont à lever, comme la pénibilité des conditions de travail ou le manque de diversité », liste McKinsey & Company.

Le rapport met également l’accent sur la productivité des entreprise. Le digital devrait apporter sa pierre à l’édifice, avec le recours aux plateformes collaboratives ou outils d’intelligence artificielle, permettant un gain de temps et de ressources sur les chantiers. Car la rentabilité financière a son rôle à jouer dans la transition environnementale du BTP. Parmi les pistes évoquées dans l’étude, McKinsey & Company évoque l’optimisation des coûts d’approvisionnement. « Avec cette méthode, un acteur de l’industrie chimique, en collaboration avec une entreprise d’ingénierie, a réussi à optimiser l’aire de stockage de ses matières premières et à économiser plus de 100 millions d’euros sur un projet total d’un milliard d’euros », expose le cabinet des conseil. 

Il conviendrait également de fiabiliser cette chaîne d’approvisionnement, par le recours fournisseurs alternatifs, l’indexation des prix de vente sur l’inflation, le regroupement des dépenses, la réduction des achats ponctuels par la planification, etc.

Vient ensuite la collaboration entre les parties prenantes. « Non seulement ces contrats permettent de mieux répartir les risques entre les parties prenantes, ce qui s’avère essentiel en période inflationniste, mais l’étude du McKinsey Global Institute montre également que la performance coût/délais est généralement améliorée de 15 à 20 % par rapport à des contrats plus traditionnels », apprend-on dans le rapport. 

Et la décarbonation de l’industrie dans tout ça ?

 

Enfin, le dernier axe et pas des moindre : la décarbonation de l’industrie. Sur le point, McKinsey & Company préconise « une évolution profonde des habitudes collectives et individuelles des acteurs de la chaîne de valeur et de l’écosystème ».  Cela vaut aussi bien pour les législateurs, les donneurs d’ordre, les fournisseurs, les bureaux d’études que les entreprises. 

« L’écosystème de la construction en France fait face à une opportunité unique de permettre et d’accélérer la transition environnementale à un coût maîtrisé pour la collectivité, donnant ainsi un avantage compétitif au pays. Pour cela, la transformation de cette industrie – peu digitalisée et productive – est capitale. L’impact en jeu n’a jamais été aussi important. Tous les acteurs de l’écosystème ont un rôle clé à jouer dans cette transformation sans précédent et doivent accélérer leur mobilisation », conclut McKinsey & Company.

Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock 

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