L’Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes veut un moratoire sur les PPP
Alors que le poids des contrats de partenariats public privés (PPP) s’accentue dans l’économie française, les médias relatent de plus en plus les dysfonctionnements et surcoûts qu’ils engendrent. Rappelons qu’ils permettent de confier en un seul marché, conception, construction, entretien, maintenance et gestion d’un équipement public, financé par le groupement privé attributaire du contrat, et payé par l’état ou la collectivité sous forme de loyers.
Le Conseil Constitutionnel avait indiqué dès 2003 à propos des PPP que « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ». Néanmoins, l’état a recouru massivement aux contrats de partenariat, allant jusqu’à inciter les collectivités locales à faire de même dans une circulaire du 09 mai 2012, et exprimant la volonté étatique de généraliser une procédure dérogatoire.
Il est évident aujourd’hui que la motivation a été de pouvoir continuer à investir alors que le niveau d’endettement élevé ne le permettait plus, grâce à l’artifice comptable permettant de ne faire apparaître qu’une partie de la dette dans la comptabilité publique. Nous avons maintenant un retour de 9 ans sur les contrats globaux type PPP en France, et 15 ans en Angleterre.
Le constat est affligeant : Une concurrence inexistante, la quasi totalité des PPP réalisés par seulement trois grands groupes et leurs filiales, des contrats de plusieurs milliards donnés dans une concurrence de façade, des dérives qualitatives criantes sur les opérations de bâtiment, des contrats déséquilibrés avec des coûts du « hors contrat » incontrôlables, des loyers qui explosent et un impact économique final non maîtrisable et fiscalement intenable.
Nous ne critiquons pas les majors du BTP et de la finance qui sont par nature dans des logiques de profit, nous critiquons les décideurs publics qui ont volontairement entraîné l’état ou leur collectivité territoriale sur la voie du surendettement. Il serait pourtant sage, en ces temps de développement durable, de faire de l’économie durable en ne faisant pas payer très cher par les générations futures nos besoins d’aujourd’hui.
Les architectes, qui n’ont eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur les conséquences désastreuses du recours à ces procédures, demandent aujourd’hui un moratoire sur tous les contrats PPP en cours de négociation ou signés et non encore démarrés, et sur l’ensemble des contrats globaux dérogatoires aux règles de la commande publique. Il est indispensable, avant de continuer à engager la collectivité publique pour 20 ou 30 ans, de s’assurer de la qualité du service public rendu et de connaître la réalité et la soutenabilité de la dette.
Devant les multiples dysfonctionnements signalés, nous demandons également la levée de l’opacité sur les contrats et consultations et un contrôle de la DGCCRF et des juridictions financières sur les conditions de passation des principaux marchés PPP.
Denis DESSUS, délégué juridique UNSFA