Il aurait pu danser avec des robots ou avec des stars mais Philippe Priasso, danseur depuis plus de 40 ans, a choisi comme partenaire de scène... une pelleteuse !

Le spectacle a été lancé à titre expérimental par la Compagnie Beau Geste et le chorégraphe Dominique Boivin il y a de cela 11 ans, « pour confronter le corps de l'homme à la mécanique de la machine ». Depuis, le spectacle en est à sa 800ème représentation, et a traversé le monde avec plus de 52 pays au compteur.

« On peut dire que je suis maintenant un grand connaisseur des pelleteuses, au même titre qu'un artisan », plaisante Philippe Priasso, qui se destinait plus jeune à une carrière d'ingénieur. « Nous louons un modèle différent à chaque représentation, ce qui fait qu'elle ne peut jamais être tout à fait la même. Nous avons testé plusieurs types de machines du BTP, avant d'opter pour la pelleteuse qui offre le plus de possibilités. Quand on combine les mouvements de rotation, d'articulation du bras et du godet, on a vraiment la sensation d'avoir un second danseur ».

La pelleteuse devient plus qu'une machine

Résultat, la pelleteuse devient plus qu'une machine. Ce duo, inattendu et original, met en avant avec poésie la relation qui unie l'homme à la machine depuis des siècles. Le spectateur est confronté à la délicatesse et à la tendresse de ce lien qui se tisse entre les deux danseurs ; l'un humain, l'autre machine ; chacun avec une grâce bien à lui.

« Nous voulions vraiment transformer le regard des hommes sur la machine. Très souvent, elle vient d'un monde hostile, s'oppose, remplace l'homme. On le voit notamment dans les films. Avec cette chorégraphie, nous apportons donc un autre point de vue, plus positif », explique Philippe Priasso.
 

© Dominique Boivin / © Frederic David

Au cours de cette belle performance, l'homme évolue sur des airs d'opéra tout autour de la machine, s'y suspend, s'allonge dessus, joue avec son bras mécanique, prend des postures périlleuse d'équilibriste. « Personne n'a envie d'être à la place du conducteur à ce moment là. C'est une partition exigeante et dangereuse », reconnaît le danseur. « Mais cela m'a beaucoup apporté dans mon métier. Il faut une certaine maturité pour être dans l'économie, trouver le geste, le regard juste... Chaque représentation est un défi », avoue-t-il.

A la sortie, l'émotion est au rendez-vous chez tous les types de publics, pas seulement les professionnels du BTP. « Le spectateur est comme happé, quelque chose s'opère en eux et les interroge. Pas besoin d'avoir une grande culture chorégraphique, le spectacle est très accessible et convoque des émotions qui sont en chacun de nous, quels que soient notre culture et notre pays. C'est un message universel d'amour ».

Comme pour ce syndicaliste des travaux publics « ému aux larmes », qui a glissé à l'artiste, un enthousiaste : « tous mes gars devraient voir ça ! » ou encore cette dame qui, pleine de malice, a gratifié le conducteur de l'engin d'un compliment qui résume tout : « vous êtes une pelleteuse étoile ».

Claire Thibault
Photo de Une : © Florian Salesse